CONCLUSIONS
Si les historiens se doivent d’accepter (y compris en eux-mêmes) la recherche d’une vérité existentielle qui n’a rien d’un savoir scientifique, les croyants vont devoir – et peut-être enfin pouvoir – admettre aussi la poursuite (par d’autres, ou par eux-mêmes) d’une vérité historique complètement indépendante de leurs croyances. De même qu’il n’y a plus en science que des « savoirs-vérités provisoires », il ne peut plus y avoir de « Savoir-Vérité absolu » en matière d’éthique morale et religieuse.
Tant que les religions «
insèrent l’objet de leur foi dans l’ordre du savoir, [elles]
ne peuvent prétendre à la vérité qu’en niant celle des autres. D’où leur profonde contradiction : elles sont tiraillées entre la paix et la guerre, l’amour et la haine, le salut et la justice, le service et la tyrannie, la liberté et l’esclavage ». Tandis que si la théologie abandonnait «
toute prétention au savoir pour ne chercher que le sens de la vie » alors les religions pourraient «
atteindre le vrai et reconnaître, chacune, la prétention à la vérité des autres » (
Sous le Christ, Jésus, p. 284).
Ce sont les notions même de « Vérité » et de « blasphème » qui devraient disparaître, avec ce qu’elles comportent encore de droit religieux, qu’il soit chrétien, juif, musulman ou autre. Qu’il s’agisse d’ethnie, de culture, de sexe ou de religion, le respect des différences n’est-il pas régi par le droit civil, seule limite à la liberté d’expression et de recherche ? Pourquoi les croyances religieuses, ou les institutions qui les portent, se verraient-elles accorder davantage que ces règles normales de défense ?
La notion de « blasphème » suppose celles de « sacré », de « pur » et d’« impur ».
Jésus, en s’en prenant à ce que sa religion tenait pour le plus sacré (le Sabbat, la Loi, le
Temple), et le christianisme en rejetant la dichotomie « pur/impur », ont fait les premiers pas. Et comme l’écrit
Henri Tincq,
Corpus Christi «
milite surtout contre les dérives d’un fondamentalisme qui, par une lecture littérale des Écritures, risque de conduire le monde vers de nouveaux précipices ». Le vingt-et- unième siècle sera sans blasphème, ou risque de n’être que guerres suscitées par divers fondamentalismes...