CULTURE SÉMITIQUE,
OU ARCHÉOLOGIE DE L’ÉCRITURE ?
Une différence radicale...
dans le style du texte
À la fin du livret
Pâque, il n’est pas véritablement question de «
deux perceptions du temps [qui]
se rencontrent et se heurtent dans le texte des Évangiles », comme on peut le pire page 48. Les réacteurs laissent entendre que les
évangélistes étaient uniquement de culture et de langue «
sémitiques », par opposition à «
notre » culture «
grecque » actuelle :
«
Les rédacteurs des Évangiles ne pensaient ni l’Histoire ni l’écriture telles que nous les pensons » (p. 47). «
Les auteurs des Évangiles écrivent selon des critères radicalement autres, que nous devons chercher à comprendre sans vouloir à toute force les harmoniser avec notre système d’écriture et de pensée » (p. 48). «
Ce que nous nommons "incohérence du texte", "contradiction", "mépris de l’Histoire", court le risque de ne refléter qu’un jugement contemporain voulant ignorer que nous sommes en face d’une culture, d’un savoir, d’un art différents » (p. 48). «
Les rédacteurs des Évangiles, selon leurs critères, écrivent l’Histoire en fonction des objectifs qu’ils se sont fixés et de l’usage auquel sont destinés leurs textes » (p. 48).
On voit ainsi apparaître, tout d’un coup, plus qu’une distinction : une coupure radicale entre «
eux » (
les compositeurs des évangiles) et «
nous » (leurs lecteurs actuels, supposés «
occidentaux »). En seulement 74 lignes, on trouve au moins 34 mots qui expriment cette séparation : 16 qui désignent les lecteurs actuels des évangiles («
nous -10 fois-,
nôtre,
nos,
on,
maintenant ») et 18 qui – par opposition – désignent les
compositeurs des évangiles («
leurs -5 fois-,
eux,
ils,
évangélistes,
rédacteurs,
auteurs,
ceux [qui écrivent, élaborent les Évangiles] »). Il n’y a plus aucune commune mesure entre les humains qu’ils ont été, et les humains que nous sommes.
Dans ce bref passage (pages 46 à 49), à la suite de la phrase «
Les récits [évangéliques]
procèdent par accumulation, par touches successives qui se complètent et qui ne sont qu’apparemment contradictoires », c’est le style du texte qui rompt avec celui de tout le reste des cinq livrets et devient soudain «
radicalement autre ».
Les « contradictions » étant dans la même phrase désignées comme telles (par le mot «
contradictoires ») et refoulées (sous le mot «
apparemment »), elles ne disparaissent « apparemment » des textes évangéliques que pour resurgir immédiatement dans le texte du livret – « apparentes », certes, mais cette fois au sens d’« évidentes ».
Les rédacteurs ne reviennent à leur style habituel que dans le dernier paragraphe du livret (p. 49).