ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
![]() |
![]() |
![]() |
||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Ennio FlorisLa crise galiléenne |
La mise entre parenthèses du miracle et l’analyse du contexte :Le doute des disciples |
Sommaire Avertissement au lecteur Mise entre parenthèses du contexte Mise entre parenthèses du miracle - Détermination du contexte - Le manque de pain - Demande du signe - Marche sur les eaux - Doute des disciples . Approche du récit . Jésus compris par les disciples ? . Crise de confiance - Les lieux - Syllepsis des informations . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
La crise de confiance des disciplesL’expression « leur cœur était endurci » (Mc 6:52) ne laisse aucun doute sur ce que cette dureté de cœur résulte d’une crise de confiance des disciples envers Jésus. Cela montre combien la censure de Marc est inefficace dans son interprétation des informations pour les adapter au récit miraculeux de la multiplication. Comme d’habitude, Matthieu en a eu conscience et a soumis ces informations à une censure rigoureuse et intransigeante. Voyons la synapse des deux textes : On remarquera qu’au verset 33, Matthieu remplace l’excitation des disciples et leur doute décrits par Marc en 6:51-52, par une confession de foi sur le messianisme de Jésus. Ce doute n’est en fait pas nié puisque, transposé à un autre niveau, il réapparaît dans la personne de Pierre. En effet, l’apôtre demande à Jésus un signe puisqu’il ne sait pas si celui-ci est vraiment Jésus ou le fantôme que les disciples ont cru voir quand ils approchaient du rivage. Si nous considérons la nature de ce signe – qu’il le fasse marcher sur les eaux – toute la situation de cet épisode apparaît fictive, car si Pierre avait voulu s’assurer que Jésus était vraiment lui-même et non un fantôme, il aurait dû lui demander comme signe non pas la marche sur les eaux – qui était la raison qui leur avait fait croire qu’il s’agissait d’un fantôme – mais un acte concret propre à montrer qu’il était bien un être pesant et solide, et non un esprit. Dans l’hypothèse même où Pierre eût marché sur les eaux, non seulement il n’aurait pas été délivré du doute, mais il aurait eu motif à douter de lui-même, dans la mesure où il se serait comporté lui aussi comme un fantôme. Cette situation fictive donne à l’écrivain la possibilité d’assumer le doute réel des disciples sans contredire le récit miraculeux de la multiplication des pains, puisqu’elle le soustrait à son véritable contexte. Ne portant plus sur le charisme prophétique de Jésus mais sur la réalité de sa présence physique, le doute perd sa force et son scandale. Quant à nous, il nous suffit d’en déjouer l’intrigue pour replacer le doute dans son véritable contexte. Le récit miraculeux s’offre alors comme un miroir du déroulement des faits. La nature du signe montre donc que les disciples doutaient du charisme prophétique de Jésus. Le fantôme dont ils avaient eu peur était Jésus lui-même, en chair et en os, tel qu’il leur était apparu marchant au bord de l’eau, homme traqué, épuisé, effrayé, ombre de lui-même. Ils ne voyaient pas sur son visage ce regard puissant et perçant qui les avait fascinés lors de leur conversion, mais les yeux égarés, soupçonneux, propres à un homme en fuite. Dans ce contexte, la demande de Pierre prend un tout autre sens. « Si c’est toi » ! Si cet homme que je vois, semblable à un fantôme, est vraiment toi, c’est-à-dire ce prophète, ce « fils de Dieu », auquel j’ai cru, « ordonne que j’aille vers toi sur les eaux ». Pierre veut une preuve que Jésus possède encore cet esprit prophétique qui était la force de sa personnalité. Sous le prétexte de sa propre foi, Pierre lance à Jésus le même défi que les pharisiens et le peuple. Dans l’expression « si c’est toi » se cache la formule plus exacte, plus juridique : « si tu es… le fils de Dieu, ordonne » : Pierre exige que Jésus se comporte en magicien. Ainsi, en dépit de son caractère miraculeux, ce récit confirme-t-il non seulement qu’il y eut un défi, mais que celui-ci fut partagé par les disciples. Ceux-ci n’avaient pas été contaminés par le levain des pharisiens, mais par la maladie des pauvres : la faim. Du coup, l’approche qu’ils avaient du monde changea. Ils avaient refoulé le réel dans l’inconscient, vivant dans une atmosphère irréelle par la sublimation des besoins de leur vision messianique. Maintenant ce réel surgissait du fond d’eux-mêmes, comme un fantôme mais capable d’ébranler l’univers de la foi. C’est dans ce but que le Pierre du récit demande à Jésus de montrer si l’image prophétique qu’il a de lui est si réelle et concrète que sa réalité d’homme apparaisse comme un fantôme. Or le prophète Jésus – le Jésus image de foi – ne put rien contre le Jésus réel ; il dut constater que Pierre s’enfonçait dans l’eau, autrement dit que les disciples tombèrent en crise parce qu’il doutait lui-même de son charisme prophétique. Mais la fiction littéraire, ôtant le doute de son espace et de son temps, a permis à l’auteur du récit de le résoudre au moyen d’une projection du futur. Comme il commençait à s’enfoncer, Pierre s’écria « Seigneur sauve-moi », et aussitôt Jésus étendit sa main. Le « Seigneur » auquel Pierre s’adresse n’est pas le Jésus de la barque du lac, mais celui de l’Église, autrement dit le Jésus devenu « Christ » qui, du ciel, régit le monde moins par sa parole que par « sa main ». La crise que subirent les apôtres ne trouva sa solution que dans la foi au ressuscité. |
|
![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ti25300 : 07/06/2017 |