La crise galiléenne

   La rencontre de Jésus avec ses disciples se serait opérée d’une façon aussi prodigieuse que la multiplication des pains : Jésus marche sur les eaux. Mais ce nouveau miracle ne parvient pas à s’adapter tout à fait au contexte, qui lui résiste sur plusieurs points. Il est par exemple surprenant que Jésus se soit trouvé tout seul à cet endroit, alors qu’il n’avait pas renvoyé la foule. Il est aussi étonnant que, ayant vu ses disciples « au milieu de la mer », qui ramaient « avec beaucoup de peine », il se soit décidé à aller à leur rencontre « à la quatrième veille de la nuit », c’est-à-dire vers deux heures du matin : ou il les a vus à cette heure-là, et sa vue est aussi miraculeuse que sa marche, ou il les avait aperçus avant, et son voyage miraculeux sur les eaux semble fort long. Plus étonnante encore est l’affirmation qu’une fois les disciples rejoints il veuille « les dépasser », comme s’il prenait plaisir à leur faire peur. Et effectivement, les disciples ont peur, le prenant pour un fantôme, mais cette peur, quoique digne d’une farce, devient par la suite très problématique puisque les disciples ne sont pas troublés parce qu’ils ont cru voir un fantôme, mais « parce qu’ils n’avaient pas compris ce qui s’était passé au sujet des pains ».

   Cette résistance du texte suffit pour que nous en entreprenions une lecture critique, dans le cadre de la mise entre parenthèse du miracle et à la lumière du fait que nous venons de découvrir. Mais, avant tout, il convient de préciser le lieu de ce trajet.