Gennésar et Génésareth :
les textes parallèles
Cherchons à examiner les textes parallèles de
Marc et de
Matthieu dans
le tableau joint.
Le texte de
Marc semble, à première vue, altéré, à cause de la transposition du verbe « vinrent » qui, logiquement, devrait se trouver après le premier verbe « traversant ». En effet,
puisqu’ils se trouvaient sur
le lac,
ils n’auraient pu toucher terre de l’autre côté qu’en
le traversant. On pourrait alors penser qu’il s’agit d’une erreur de copiste, qui serait confirmée par le texte de
Matthieu, où le deuxième verbe est placé au juste endroit. Dès lors on comprend que, à la suite de la
Vulgate, toutes les traductions modernes lisent le texte de
Marc à l’aide de celui de
Matthieu. À titre d’exemple, je transcris trois traductions dans
le tableau.
On peut cependant penser, contre cette logique apparente, que le texte de
Marc n’a pas subi d’altération. Dans cette hypothèse, le texte de
Matthieu serait moins une rédaction exacte de l’information qu’une interprétation du texte de
Marc, par le biais d’une censure qui porterait aussi bien sur le contenu que sur la forme. En effet,
Matthieu ne se contente pas de transposer le verbe, mais
il abolit aussi la dernière proposition de
Marc. Mais alors, quel sens faut-il donner au texte marcien ?
On pourrait le lire de la façon suivante : «
Et passant sur terre, de l’autre côté, vinrent vers Gennésar, où ils accostèrent ». Le verbe «

» serait donc employé à peu près avec le même sens que dans
Lc 16:26. Mais alors, la dernière proposition apparaît tout à fait superflue, car pour passer à terre il faut bien aborder.
Une autre lecture s’offre, quoiqu’inédite, pour garder le texte dans sa totalité et dans l’ordre de ses énoncés : «
Et, traversant par terre, ils vinrent vers Gennésar, et ils accostèrent ». Cette lecture suppose qu’il y ait eu deux possibilités de traverser, c’est-à-dire de passer de l’autre côté : en traversant
le lac en barque, et en traversant la terre, autrement dit en passant par le marais. En effet, le terrain marécageux n’était plus
le lac, mais des champs et des pâturages coupés de cours d’eau qui, reliés entre eux, rendaient possible la navigation ; en navigant sur ces canaux, on ne traversait pas
le lac, mais la terre. Le texte de
Marc a donc un sens dans sa propre construction grammaticale et n’a pas besoin d’être rectifié, sous peine de lui donner un autre sens : on ne doit pas traduire le participe aoriste par « après avoir traversé », mais « en traversant », au temps présent du passé historique. En traversant donc non pas
le lac, mais la terre, suivant les cours d’eau du terrain marécageux,
ils voguèrent en direction de
Gennésar et, à un endroit où le marais rejoignait la terre ferme,
ils abordèrent pour continuer la route à pieds.
Il nous reste à vérifier cette hypothèse de lecture, d’abord en ce qui concerne l’existence du marais, ensuite par son éventuelle cohérence au fait que nous venons de découvrir.