ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Jésus le charpentier





Du fils naturel au fils de Dieu :
du fils de Dieu au fils d’une adultère


Sommaire

Du fils naturel au fils de Dieu
Fils d’une adultère
- Fils de Dieu et de David
- Sans père et sans mère
- Fils adultère
- Fils de Marie
- Conclusion
La famille de Jésus
Délire ou extase ?
La solitude de Jésus
Qui est ma mère ?

La Métanoïa

Le défi et la crise

La bonne nouvelle




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Conclusion


   En prenant comme point de départ l’affirmation de Luc selon laquelle on croyait que Jésus était fils de Joseph, et de la descendance de David, j’ai cherché à mener une enquête dans trois milieux du contexte historique de Jésus : les chrétiens, ses compatriotes et les juifs intellectuels.
   Or, si étonnant que cela puisse paraître, cette enquête a abouti à la découverte que ces trois milieux été conditionnés par la conviction que Jésus avait été un enfant sans père. Ils ne se distinguent que par l’interprétation du fait, les uns y voyant le « signe » évident d’une intervention divine, les autres l’effet d’une circonstance malheureuse ou le produit d’un adultère.

   Que dire alors de l’affirmation de Luc ? Fut-elle une erreur, ou un mensonge ? Ni l’une ni l’autre. Quoique l’évangéliste affirme avoir fait des recher­ches exactes, remontant jusqu’aux témoins directs des renseignements qu’il avait reçus, il n’en reste pas moins qu’il est moins resté au niveau des faits que de l’interprétation des faits. Lui aussi, malgré son souci de vérité, ne fut qu’un théologien. Ainsi, lorsqu’il a écrit que Jésus était fils de Joseph aux yeux des gens, il ne ment pas, puisqu’il se réfère à l’interprétation que l’Église donnait aux faits en se fondant sur les oracles des Écritures. Il s’agit du croire de l’Église, conformément aux généalogies qu’elle avait bâties pour prouver que Jésus était, selon les exigences propres au Christ, fils de David.

   Le résultat de cette recherche est sans doute bouleversant. Fondés sur le témoignage de Luc, on s’était habitué à considérer la paternité de Joseph comme une information historique, d’autant plus certaine qu’elle était gênante pour la conception virginale. Quant aux bruits concernant la naissance illégitime de Jésus, on les considérait comme étant des témoignages tardifs, qui remontaient à la polémique juive et étaient en étroite dépendance avec les récits de la naissance virginale. Ils ne constituaient qu’une écume, un surproduit bâtard d’une polémique religieuse.
   C’est ainsi qu’un homme comme Klausner, qui avait pourtant hautement estimé les témoignages des rabbins talmudiques, affirme d’une façon catégori­que qu’il « n’y a pas de fondement historique à la tradition de la naissance illégitime de Jésus » (p.39).
   Or notre recherche rompt avec ce postulat exégétique, et nous oblige à considérer la filiation illégitime de Jésus comme étant l’unique fait histori­que concernant sa naissance. Ce qui est important pour nous, ce n’est pas tant que Jésus soit un bâtard, mais que sa situation de bâtard est une donnée historique. Je veux dire par là que c’est un renseignement qui, quoi que découvert par l’analyse des écritures, ne jaillit pas du niveau de la signifi­cation mais de celui de la référence ; autrement dit, il fait partie de la zone infrastructurelle du texte, intermédiaire entre l’écriture et le fait.

   Mais à quoi – pourrait-on demander – cette découverte peut-elle servir ? Peut-elle avoir une incidence sur la vie de Jésus et sur l’approche de sa personne ?
   En ce qui concerne l’approche de Jésus, il convient de dire qu’elle confirme l’efficacité de la méthode critique qui est à la base de notre recherche. En effet, par ce premier résultat, cette critique nous a permis d’aller au-delà du niveau intentionnel propre au champ de signification du discours, pour atteindre celui du champ référentiel. Or c’est exclusivement dans ce champ qu’il est possible de retrouver la personne de Jésus.
   Dans la mesure où l’exégèse, même lorsqu’elle a été critique et négatrice, n’avait pour objet que le « kérugme », c’est-à-dire l’intention signifiée de l’écriture, elle ne pouvait que demeurer en-deçà de l’histoire. Elle parvenait, certes, à cerner « le Christ » de même que l’Église, sujet historique du discours, mais non Jésus, qui se situait dans le champ référentiel, en-deçà du niveau kérygmatique ou intentionnel du discours.

   Sans doute la naissance illégitime de Jésus n’est-elle qu’un des multiples faits qui parsèment son histoire. Cependant elle s’offre à nous comme étant un événement privilégié, car il est susceptible de nous indiquer le conditionnement fondamental de la personnalité de Jésus. De même que la généalogie inscrivait le Christ dans le cadre d’une nouvelle culture, qui était celle du christianisme naissant, de même la naissance naturelle nous permet d’inscrire toutes les données concernant Jésus dans le cadre de leur véritable contexte historique, aussi bien socio­logique que psychologique. Elle reste, bien sûr, un fait, mais un fait indicateur et révélateur de cette personne qui restait cachée derrière le personnage du Christ.




c 1976




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tk115000 : 18/05/2020