ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Ennio Floris
Jésus le charpentier
La
métanoia
, ou révolution culturelle :
la main à la charrue
Sommaire
Du fils naturel
au fils de Dieu
La
Métanoïa
L’épée
de la division
La haine
du père
La mort
du père
La main à la charrue
-
Le
logion
-
Élie
et Élisée
-
Une
parabole
-
Ne pas se retourner
Le défi
et la crise
La bonne
nouvelle
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
«
Ne pas se tourner en arrière
»
Lc 9:
61-62
Un autre dit : je te suivrai,
Seigneur, mais permets-moi d’aller d’abord prendre congé de ceux de ma maison.
Jésus
lui répondit : quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas propre au
Royaume de
Dieu
L’impératif de «
ne pas se tourner en arrière
» est un des thèmes propres à des mythes eschatologiques de la fin du monde, comme aussi de renaissance de l’homme.
Nous le retrouvons dans le récit de la destruction de
Sodome, un des mythes fondateurs des eschatologies juive et chrétienne, mais aussi dans le mythe
d’Orphée qui ramène sa femme
Eurydice du
Royaume des morts. Pour échapper à la mort, il faut que, dans la démarche qui mène à la vie, on ne se tourne jamais en arrière. S’étant tournée, la femme de
Loth devient statue de sel ;
Orphée aussi se tourne, et sa femme
Eurydice est à nouveau engloutie par la mort.
Mieux donc que la parabole de la charrue, c’est ce mythe qui nous permet de comprendre l’intransigeance catégorique de
Jésus. Le néant est derrière nous comme un «
enfer » qui nous possède. C’est une chance qui nous est offerte, pourvu qu’on le veuille et à condition qu’on ne se tourne jamais en arrière. On ne naît pas par nature, par une décision de volonté, mais celle-ci ne pourra rejoindre l’acte générateur de
Dieu – la résurrection – que dans la mesure où elle sera radicale, impliquant une rupture totale avec la mort.
Certes,
Jésus donnait à sa conception du monde une interprétation métaphysique – la métaphysique est d’ailleurs propre au mythe – au sens que la foi en la paternité de
Dieu était mise en relation avec un événement réel et métahistorique de résurrection ou de régénération de l’homme. Mais cette métaphysique n’était pas en opposition avec une intention réelle et effective de transformer les structures de la pensée.
C’est en ceci que sa prédication fut révolutionnaire. Les thèmes mythiques – comme celui dont nous parlons ici –
lui permettaient de pénétrer dans le plus profond des consciences, dans la tentative de déjouer les combinaisons psychiques. C’est dans ce but
qu’il avait cherché à ébranler le modèle génétique qui régissait aussi bien la culture que la conscience collective.
Il ne se contentait pas de prêcher son évangile, mais exprimait son message d’une façon contestatrice jusqu’au scandale, en l’accompagnant aussi par la transgression du code éthique. Sans doute, parvenu au bout de sa démarche,
dut-il constater que sa vision métaphysique s’écroulait :
Dieu ne répondit pas à son appel. Mais la révolution psychologique et culturelle
qu’il avait initiée ne put pas être arrêtée.
c 1976
tk244000 : 26/06/2020