Sommaire
Avant-propos
Le problème et ses antinomies
La solution selon la théologie de la foi
- Principes de la théologie de la foi
- Jésus, fils de Dieu
- La rédemption
- La médiation
- La justification
- Le pouvoir de rémission
- Efficacité de la foi
- Le baptême
- Confession fraternelle
- Confession individuelle
- L’Église
. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .
|
La médiation
Après avoir repéré la valeur de rédemption de la mort du Christ (1), il faut chercher sa médiation, par laquelle le pardon accordé par Christ s’étend à tous les péchés commis par les hommes. Comment le pardon donné par Christ sur la croix peut-il déborder le cercle de ceux qui l’ont crucifié pour atteindre aussi les autres ?
En réponse à l’antinomie qui rendait impossible et contradictoire ce transfert, les théologiens orthodoxes avaient répondu en attribuant à l’expiation du Christ un mérite qui égale tout le dommage causé par les péchés des hommes, même dans l’avenir. Le mérite du Christ est infini, car ce n’est pas seulement l’homme Jésus qui a souffert sur la croix, mais le Christ, l’homme-Dieu.
Nous répondons qu’on ne peut pas parler de transcendance du Christ par rapport à sa personne, qui est considérée comme le principe substantiel de son existence, mais en ce que son existence se donne sur la croix pour les autres.
La mort du Christ peut être comparée à la chute d’un caillou sur une surface d’eau. Le heurt produit des ondes concentriques, qui parviennent jusqu’aux limites de la superficie ; le heurt cesse comme phénomène de chute, mais il persiste comme impulsion, présent en tous les rayonnements. La mort du Christ est un acte de pardon qui tombe parmi les hommes en donnant naissance à un processus de rédemption.
Le pardon est d’abord un combat contre la puissance du mal. Le péché n’est pas une entité métaphysique, ni une personne, mais un acte négatif par lequel l’homme se pose en contradiction avec Dieu et les hommes. Contre cette affirmation du péché, le pardon de Jésus se présente comme un acte de synthèse morale qui, en rapprochant les hommes entre eux et de Dieu, entrave la marche du péché dans le monde.
La mort du Christ, bien qu’elle cesse comme phénomène limité à un lieu déterminé, persiste dans sa puissance de réparation sociale de l’existence humaine.
Le pardon du Christ a aussi une valeur à l’égard de l’offense causée par le péché. Il ne faut pas considérer cette expiation dans un sens quantitatif et statique, en donnant à la mort du Christ un mérite qui égale et dépasse tout dommage du péché. Au contraire, il faut considérer le pardon comme pouvoir historique, comme un ferment, qui a l’efficacité d’atteindre toute l’humanité (Mt 13:33). Le pardon du Christ a cette efficacité parce qu’il dénote une nouvelle position de conscience, où les individus atteignent plus profondément la vérité de la nature humaine. Le pardon de Jésus est perpétuel dans le sens qu’il se repropose d’individu à individu, et non parce que la personne divinisée du Christ répète le pardon de la croix dans tous les moments du temps. Il est perpétuel parce qu’il continue à se poser chez les hommes comme chez le Christ, en vertu de la puissance qu’il a eu par le Christ.
La mort du Christ possède aussi une valeur d’expiation à l’égard du péché comme offense envers Dieu. La raison de cette valeur dérive du fait qu’à la donation du Christ par la croix, Dieu a répondu en se révélant comme Père. L’offrande de Jésus a eu une nouvelle efficacité chez Dieu : de même qu’il s’était posé devant Dieu pour les péchés des autres, Dieu aussi se pose en lui pour les autres. Le principe suprême de la transcendance du Christ sort donc de cette révélation de Dieu en lui comme Père pour les autres et pour lui-même.
Le fait que Jésus est pour les autres dans les circonstances déterminées de la croix cesse, mais la transcendance reste, parce que la révélation de Dieu comme Père pour tous continue. Toute spéculation qui a pour but la divinisation de la personne du Christ sort de la finalité de la rédemption, dont l’essence réside dans le fait que chacun se donne à l’autre devant Dieu par le pardon du Christ. Il faut accepter que le Christ disparaisse pour que la personne de Dieu reste absolue et éternelle. L’humilité du Christ est plus profonde dans la « gloire du Père » que dans sa mort. Après nous avoir rachetés à Dieu, il disparaît dans la paternité divine. Insaisissable par nos recherches, inconnaissable même par la foi, il cède la place à Dieu afin qu’il se propose comme Père, de même qu’il s’est révélé à lui sur la croix. La personne du Christ se refuse à être objet de science et de foi pour devenir objet d’espérance des croyants en Dieu, le Père.
______________
(1) Voir la rédemption. 
|