La résurrection de Jésus

PILATE
(Se levant de sa chaire, cependant que les gens reprennent place).

– Messieurs, l’interrogatoire des témoins et les plaidoiries des avocats ont démontré que, concer­nant les responsables du Judaïsme et ceux de la sec­te de Jésus de Nazareth, le tombeau vide ap­por­te la preuve qu’un vol a bien été commis. C’est pour­quoi le procès demeure ouvert, et jusqu’à ce qu’on ait identifié les voleurs et retrouvé le corps de Jésus, le tombeau ne pourra pas être occupé par un autre cadavre. Il demeure sous la responsabilité de l’État.
  Les groupes religieux, aussi bien juifs traditionnels que sectaires, demeurent libres d’interpréter le vol selon leur foi, sans prétendre interrompre cependant le cours de la justice. C’est un avertissement que j’adresse aux uns et aux autres.
  Aux Juifs, auxquels j’ai cédé pour condamner Jésus, je recommande la vigilance au sujet de toute tentative d’insurrection contre le Pouvoir romain, parce qu’elle serait durement réprimée. Et si le Pou­voir sacerdotal se décidait à y apporter son ap­pui, qu’il sache que le temple serait détruit, jusqu’à ce qu’il n’en reste pierre sur pierre.
  Quant à la nouvelle secte, je l’assure qu’elle ne sera pas poursuivie dans sa foi en la résurrection de Jésus, même si elle prétend qu’il est monté au ciel parmi les dieux. Mais qu’elle prenne garde que son dieu ne revienne pas sur terre menacer la paix ro­maine. Que cette secte n’oublie pas que Dieu a éle­vé l’âme d’un seul homme pour en faire le mé­dia­teur du gouvernement des peuples et de la répres­sion des superbes, et que cet homme est César ! Celui-ci ne permettra pas à un autre dieu de lui ravir ce pouvoir, sans le rejeter au plus profond des en­fers. Ne m’obligez donc pas à verser votre sang !

(Relevant son étole, il quitte le Prétoire).