ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




Notes sur une méthode de lecture des fragments évangéliques sur Judas




4- L’interprétation



PROLOGUE

INTRODUCTION

REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS

ÉPILOGUE

ANNEXES
- Méthode de lecture
  - Le Christ et Jésus
  - Évangiles et Jésus-Christ
  - Le Jésus-Christ de la foi
  - L’interprétation
    . Les Écritures
    . Venue du Christ
- Bibliographie


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L’interprétation des Écritures comme herméneutique de la foi au Christ


   Les apôtres ont pu trouver le Christ dans les Écritures non en les lisant mais en les interprétant, puisqu’il n’était pas l’objet direct de leur dire. Ils ont dû se frayer un chemin à travers les croisements de sens multiples dont aucun n’apparaissait définitif. Un ensemble de lois et de traditions, de questions et de révélations, de bénédictions et de malédictions, de conquêtes et de pertes, de lyrisme et de tragique, dans une dialectique en quête de sens. Ou, plus précisément, tournée vers un sens, qui restait toujours à atteindre et qui obligeait à prolonger les guerres et les alliances, les prières et les chants, et même les châtiments de Dieu et ses promesses. Un sens qui était au-delà des discours et des faits, un surplus de sens qui laissait l’histoire en quête de sens. Les apôtres ont compris que le Christ était dans ce surplus de sens. Pour le trouver, cependant, ils ont dû lire les textes à deux niveaux, selon leur lettre et selon leur esprit.

   Selon la lettre, ils venaient à connaître les personnages dans leur histoire : Moïse, David, les prophètes et d’autres, ainsi que leurs actes ou leurs messages.
   Selon l’esprit, ils étaient portés à considérer les référents du discours comme image signifiante d’un signifié, dans le cadre d’un autre langage qui était celui écrit par Dieu. Les Écritures étaient donc le croisement de deux langages, celui de la parole et celui des choses. Pour retrouver le Christ, il fallait donc aller des paroles aux choses, et des choses à leur signifié.
   Or c’est dans ce deuxième niveau que les apôtres trouvèrent le Christ, signifié en paraboles dans les actes des hommes, visé comme prophétie dans leurs paroles. Le Christ, ce surplus de sens, venait à donner sens à toutes les Écritures par l’accomplissement de la Loi, des traditions, des prophéties, des bénédictions et des malédictions, de l’esclavage comme de la liberté étouffante dans un terre promise où coulent le lait et le miel. Ils ont pu trouver le Christ en passant du langage des mots à celui des choses. Qu’importe si dans leur compréhension ils avaient dépassé les normes de la langue, et étaient allés de la langue des mots à celle des images et de l’allégorie. Le livre n’est-il pas parole de Dieu, dont la révélation ne peut pas être limitée par les lois du langage des mots, Dieu qui est libre de l’employer, pour l’insérer dans la signification d’un autre langage ?
   Justement, il ne s’agit pas d’une lecture suivant l’articulation du sens sémantique du discours, mais d’une interprétation conduisant les sens du discours à un sens souverain, par la transgression des lois de la langue. Mieux, il ne s’agit même pas d’une interprétation du langage, mais de sa compréhension par une herméneutique de la foi.

   Du Christ que les apôtres trouvent, je mettrai ici en évidence seulement cinq aspects : le Fils de Dieu, le Fils de David, le messager de la bonne nouvelle, le rédempteur, le glorifié.

   Puisque le peuple était déjà vu comme fils de Dieu (Os 11:1) le Christ, qui en prend l’héritage et les prérogatives, devient le Fils non par élection mais par génération. La référence principale en est le Psaume 2 : « Pourquoi ce tumulte parmi les nations? Pourquoi les rois de la terre se soulèvent-ils contre l’Éternel et contre son Christ ? … Je publierai le décret. L’Éternel m’a dit : tu es mon fils, Je t’ai engendré aujourd’hui » (Ps 2:1 ; 7). C’est le roi qui parle, dans la conscience que Dieu, en le consacrant par l’onction, l’engendre comme fils. Mais le croyant au Christ voit un surplus de sens, car le roi David, bien qu’oint par Dieu, n’est pas « engendré ». Il annonce donc son onction comme « image » de celle que recevra le Christ, en sa génération de Fils de Dieu (Ac 13:33). Le roi parle de lui-même comme figure du Christ.

   Fils de Dieu, il est aussi fils de David, car il viendra dans le monde issu de la génération de David. Le prophète Nathan avait annoncé au roi, au nom de Dieu : « Ta maison et ton règne seront pour toujours assurés, ton trône sera pour toujours affermi » (2 S 7:16). Mais le prophète Isaïe chante la naissance du fils de David, qui libérera le peuple de l’esclavage des nations, et dont le règne sera accompli selon les promesses : « Un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la domination reposera sur son épaule » (Is 9:5). Et Michée précise l’annonce prophétique, en révélant la naissance de l’enfant à Bethléem, ville de David (Mi 5:1 ; 1 S 16:4).

   Quelle sera la tâche du Christ ? Tout d’abord l’annonce de la « bonne nouvelle » (l’Évangile). Le passage principal concernant cette tâche est en Isaïe, qui annonce que l’esprit du Seigneur est sur lui, parce qu’il l’a oint pour porter la bonne nouvelle aux malheureux (Is 61:1). Celui qui parle n’est pas Isaïe mais un prophète de l’exil, le « deuxième Isaïe », qui déclare être appelé par Dieu à annoncer la bonne nouvelle de la libération et du rétablissement du peuple. Mais dans la foi au Christ, on n’interprète pas cette parole selon la lettre mais selon l’esprit, en voyant dans ce texte un surplus de sens, car le prophète ne serait que l’image du Christ (Lc 4:18-19).

   Dans les Écritures, on trouve aussi que le Christ est sauveur, comme libérateur des hommes de l’esclavage, mais surtout de la domination du péché. Peuple élu et consacré au culte de Dieu, les Juifs vivent dans la hantise du péché. D’où la Loi, qui le définit et le mesure dans ses degrés de gravité, les malédictions et les bénédictions, les rites de purification, la réparation du mal par les sacrifices expiatoires. Mais les prophètes avaient annoncé le dégoût de Dieu pour le sang des animaux, répandu à la place de la repentance et du sentiment du cœur. Et un message est donné au peuple de la part du « serviteur de l’Éternel », qui s’annonce, lui, comme l’homme de douleurs, sur lequel Dieu a fait retomber l’iniquité de ses frères pour qu’il les rachète par sa souffrance et sa mort, comme un sacrifice (Is 53).
   Qui est ce serviteur ? Le peuple que Dieu a élu et consacré, mais que les individus ont fait objet de la punition divine ? Ou bien un prophète dont la vie devient parabole du véritable sacrifice qui ôte le péché ? Mais ce qui apparaît avec évidence dans le texte, c’est un surplus de sens qui demande l’existence d’un sujet de l’histoire autre que le peuple : le Christ, holocauste efficace et sacrificateur véritable, dont les autres sont des figures (Hb 7).

   « C’est pourquoi je lui donnerai sa part avec les grands, il partagera le butin avec les puissants, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort, parce qu’il a porté le péché de beaucoup d’hommes et qu’il a intercédé pour les coupables » (Is 53:12). C’est Dieu qui parle sur son serviteur. Accomplissement des promesses que Dieu avait faites à David pour la pérennité de son règne, selon le texte ? Pour les disciples de Jésus, c’est le Christ qui sera déclaré Seigneur du monde, par sa résurrection des morts (Ac 2:22-28). Il a dans ses paroles un surplus de sens, qui ne peut pas s’accomplir dans l’existence d’un royaume sur terre, fut-ce celui de David.



juillet 1987




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