LIMITES  ET  AVENIR  D’UNE  CRITIQUE  DE  L’ANTIJUDAÏSME  CHRÉTIEN

De la rupture à la haine éternelle

    Étudiera-t-on enfin la genèse de cette haine, qui reste, à mon avis, encore obscure ?
    Supposons même acquis que pour les apôtres l’expli­ca­tion soit psychologique, qu’ils se soient haïs d’avoir à la fin – au nom de leur propre judaïsme – abandonné Jésus à la mort (ou de l’avoir en quelque sorte « persécuté », dans le cas de Paul) et qu’ainsi leur judaïsme leur ait ensuite fait horreur ; cela ne nous dit toujours pas comment les païens convertis ont pu être touchés par le même phénomène. (1)

    Bref, on parvient à comprendre la rupture entre christianisme et judaïsme. D’après Maccoby les chré­tiens ont mené une véritable campagne de propagande à l’échelle de l’empire romain, sur le thème « nous ne sommes pas des juifs »; et d’après Origène les juifs ont propagé dans tout l’empire des « accusations » contre Jésus, tendant à prouver que la doctrine chrétienne était une « hérésie » aux yeux du judaïsme. Dans de telles conditions on comprend aussi qu’émergent d’une part une théologie chrétienne « de combat » (comme l’évangile de Jean) et d’autre part un discours juif adverse (repris notamment dans le Discours vrai du philosophe païen Celse).
    Malgré ces affrontements violents mais temporaires on comprend moins comment – au nom de Jésus-Christ disant « Aimez ceux qui vous haïssent » – surgit une haine si forte qu’elle en devient « éternelle » chez Origène et ne s’éteindra effectivement pas – au contraire – après la victoire historique du christianisme. (2)

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(1) Voir note 4 à la page précédente.

(2) Dujardin admet le phénomène : « L’Église comprend mal la signification d’un judaïsme qui perdure... Des hommes d’Église utilisent les rouages de l’empire pour le contenir et le réduire... L’opposition tourne à la persécution » (La Croix, 12/4/97). Mais il n’explique pas pourquoi le christianisme, devenu religion officielle de l’empire romain, a si peu supporté ce qu’il « comprenait mal » qu’il a cherché à le « réduire » par des persécutions.