ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Au risque de croire





Itinérance, une quête du sens :
Dieu contesté par Job


Sommaire

Préface
Quittez un monde bon
Vivre la foi dans le siècle

Présence de l’Église au monde

Église en dialogue avec le monde

Itinérance : une quête du sens
- Servitude et libération
- Dieu contesté par Job
  . Introduction
  . Le "Pourquoi ?" de Job
  . Le Dieu des "amis"
    - Qui est ce Dieu ?
    - Soumettre l’homme
  . Job et la "mort de Dieu"
  . Dieu... au-delà de Dieu

Croire au-delà des perplexités

En écoutant l’Alléluiah d’Hændel




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Le Dieu des « amis » de Job :
les moyens de lui soumettre l’homme


   Les trois « amis » ne sont pas privés de moyens de pression pour mettre Job « en condition » et l’amener à la repentance et à la conversion religieuse.



Dieu n’a pas de comptes à rendre à l’homme perverti (Jb 15)

   Éliphaz en vient, en effet, aux accusations : Job a anéanti la piété, et il a ruiné la prière, la « méditation devant Dieu » (Jb 15:4).
   Les arguments de la doctrine traditionnelle s’étant montrés sans force contre la fermeté de Job, les trois compères cherchent une faille dans la vie intérieure de Job : ne serait-il pas un « impie » ? « Comme la passion t’emporte ! Que tes regards sont mauvais, quand tu fais passer sur Dieu ta colère en proférant tes discours » (Jb 15:12-13). Dieu aurait-il des comptes à rendre à « cet être abominable et corrompu, l’homme, qui boit l’iniquité comme de l’eau ! » (Jb 15:16) ?
   L’obéissance et la prière, voilà le seul « droit » de l’homme ; l’impiété ne peut mener qu’à la ruine celui qui ose braver Shaddaï, le Tout-Puissant ! Perfide accusation qui se voile derrière la sagesse héritée de la tradition des ancêtres.



La peur est le commencement de la conversion (Jb 18 ; 20)

   À leur tour, Bildal et Tsophar se font les prédicateurs de la catastrophe. C’est un autre thème de l’aliénation religieuse : effrayer l’homme pour le conduire à la soumission, à ce refus délibéré de demeurer lui-même à part entière.
   Si le méchant ne se convertit pas, il sera écrasé sous le poids du jugement divin. « Il est la proie de terreurs obsédantes, qui le suivent pas à pas. La faim devient sa compagne, le malheur se tient à ses côtés… Poussé de la lumière aux ténèbres, il se voit banni de la terre… Sa fin tragique frappe de stupeur l’Occident, et l’Orient est saisi d’effroi. Point d’autre sort pour les maisons de l’impiété, pour la demeure de celui qui ne connaît pas Dieu » (Jb 18:11-20).
   Bildal expose à Job toutes les frayeurs qui assiègent l’homme révolté : la faim, la maladie, la peste, la stérilité… Avec plus de vigueur haineuse, Tsophar accuse Job sans le nommer, par insinuation ; il prêche le jugement catastrophique de Dieu sur les méchants : « Ne sais-tu pas que, de tout temps, depuis que l’homme fut mis sur la terre, l’allégresse du méchant est brève et la joie de l’impie ne dure qu’un instant ?... Il doit vomir les richesses englouties et Dieu lui fait rendre gorge… Dieu lâche sur lui l’ardeur de sa colère, lance contre sa chair une pluie de traits » (Jb 20:4-5 ; 15 ; 23).

   La peur est toujours le mobile majeur de la religion : elle incite l’homme à se renier et elle institue l’exploitation de l’homme par l’homme au moyen du religieux. Dans ce contexte religieux, la révolte de l’homme n’est pas le sursaut de sa dignité, mais le signe de son orgueil qui ne pourra jamais rien changer à l’ordre des choses, donc à la volonté de Dieu ! Tout ce qui a été devra toujours demeurer !



L’orgueil et la convoitise de l’homme sont les obstacles à sa conversion (Jb 22)

   Job a réduit à néant les arguments de ses faux-amis : « Pourquoi les méchants restent-ils en vie, vieillissent-ils, alors que grandit leur puissance ? » (Jb 21:7). Alors, jetant leur masque de sagesse et de piété traditionnelles et orthodoxes, les trois compères montrent leur véritable visage d’hypo­crisie : ils sont les ennemis de Job. Ainsi, toujours, les « hommes religieux » s’opposent-ils à l’homme non-religieux quand celui-ci revendique la plénitude de son être contre toutes les aliénations !
   Éliphaz accuse Job d’hypocrisie et de mensonge, avec hargne. « Serait-ce à cause de ta piété que Shaddaï te corrige et qu’il entre en jugement avec toi ? N’est-ce pas plutôt pour ta malice multiple, pour tes iniquités sans fin ? » (Jb 22:4-5). Il est faux que Job ait été un homme intègre. Le déshérité est alors accusé de convoiter un passé perdu, dont il a abusé largement et honteusement.
   Éliphaz procède par affirmations péremptoires, dépourvues de preuves ; par ses calomnies, il cherche à intimider Job. « Tu as exigé de tes frères des gages injustifiés, dépouillé de leurs vêtements ceux qui sont nus, omis de rafraîchir l’homme altéré et refusé le pain aux affamés ; réduit à rien la terre des pauvres, pour y installer ton favori ; renvoyé les veuves les mains vides et broyé le bras des orphelins… Shaddaï abaisse l’orgueil des superbes, mais il secourt l’homme aux yeux baissés. Il délivre l’innocent ; que tes mains soient pures et tu seras sauvé » (Jb 22:6-9 ; 29-30 ) (1).

   La convoitise et la violence révolutionnaire des pauvres du monde demeureront l’éternelle accusation des riches, couverts par le pouvoir religieux…

   Puis Éliphaz se fait « pastoral » ; il a, sans nul doute, le don de la prédication revivaliste ! « Allons ! Réconcilie-toi avec lui, et fais la paix ; ainsi ton bonheur te sera rendu » (Jb 22:21-30). La « paix de Dieu » ! Quel étonnant et éternel miroir aux alouettes pour tous ceux qui accepteront d’abdiquer toute revendication, et demeureront dans leur condition d’esclave, voie royale de l’humilité pour l’homme en quête de son salut !



Peut-on ébranler la sécurité des « bons croyants » ? (Jb 25)

   Bildal entonne maintenant un hymne à la souveraineté immobile et redoutable de Shaddaï, le Dieu aussi impassible et statique dans sa puissance, le Dieu aussi abstrait que celui des théologies de toujours qui ratiocinent sur Dieu dans son être éternel et immuable, ou dans sa tri-unité : « C’est un souverain redoutable, celui qui fait régner la paix dans ses hauteurs… C’est lui qui a étendu le septentrion sur le vide, suspendu la terre sans appui. Il enferme les eaux dans ses nuages, sans que la nuée crève sous leur poids. Il couvre la face de la pleine lune et déploie sur elle sa nuée. Il a tracé le cercle à la surface des eaux, aux confins de la lumière et des ténèbres. Les colonnes des cieux sont ébranlées, frappées de stupeur quand il menace. Par sa force, il a calmé la mer, par son intelligence écrasé Rahab. Son souffle a clarifié les cieux… Tout cela, c’est l’extérieur de ses œuvres, nous n’en saisissons qu’un faible écho. Mais le tonnerre de sa puissance, qui le comprendra ? » (Jb 25:2 ; 26:7-14).



   « Ces discours, à qui s’adressent-ils ? » déclare Job (Jb 26:4). Certainement pas à l’homme bouleversé par la palpitation de ses entrailles !

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(1) Voir Jb 29:7-17 ; 30:24-25 ; 31:16-34.   Retour au texte



juin 1971




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