Sommaire
Parole de Dieu et recherche historique
Méthode d’approche référentielle
Discours religieux et analyse référentielle
Croire et penser
Esquisse d’un portrait de Jésus
- Objectifs de l’ouvrage
- La méthode
- Quelques traits de Jésus
. Le bâtard
. La vocation prophétique
. La décision politique
. La Pâque
. La mort
Les évangiles, tombeau de Jésus
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Le bâtard
Conscient d’être un prophète, Jésus a parlé et agi comme tel. Des gens ont cru qu’il l’était vraiment, et ils ont cherché à l’assimiler à un des prophètes connus, tels Élie ou Jérémie. D’autres sont restés sceptiques et incrédules, dans la mesure où sa vie, son comportement et son enseignement n’étaient pas tout à fait conformes à la mission d’un prophète. Lucide, Jésus le savait et interrogeait souvent ses disciples sur ce que les gens disaient de lui. Mais s’il ne doutait pas de la réaction des scribes et des pharisiens, il restait étonné du comportement des siens.
En effet, quand il s’était rendu à Nazareth, sa patrie, non seulement les siens avaient refusé de l’écouter, mais ils s’étaient « scandalisés » (Mc 6:1-6). Son humble condition et sa classe d’ouvrier ne suffisent pas à expliquer ce scandale : les nazaréens voyaient en lui quelque chose qui le rendait indigne d’une telle mission, une honte qui, à leurs yeux, rendait sa prétention au prophétisme une offense à Dieu.
L’analyse du passage de Marc nous permet de connaître cette tare honteuse. Les siens ne lui reprochent rien d’autre que d’être « le charpentier, le fils de Marie » (Mc 6:3). Il était donc connu par rapport à sa mère et non son père : il était un enfant sans père. Cette affirmation est confirmée par le fait que Matthieu et Luc la soumettent à une censure, le premier en corrigeant le texte en « le fils du charpentier » Mt 13:55), le second en « le fils de Joseph » (Lc 4:22), donnant ainsi un père à Jésus. La réaction des siens apparaît donc claire : comment Jésus peut-il se présenter comme prophète, quand il n’est pas un fils légitime d’Abraham mais un enfant de prostitution ? Si nous retirons l’affirmation « médecin, guéris-toi toi-même » (Lc 4:23) de la bouche de Jésus pour la mettre dans celle de ses interlocuteurs, elle devient très compréhensible : « avant de guérir les autres, cherche à te guérir de la tare de prostitution qui ternit ta personne ».
L’analyse du texte nous force à aller plus loin. En effet, cette Marie dont Jésus est fils est aussi reconnue comme mère de « Jacques et Joseph ». Or chez Matthieu ( Mt 27:55) et Marc ( Mc 15:41) cette même Marie, mère de Jacques et Joseph, se trouve avec Marie de Magdala au pied de la croix, sans que les évangélistes précisent qu’elle est aussi mère de Jésus.
Il y a donc des raisons de douter qu’elle ait été vraiment la mère de Jésus ; on doit plutôt penser qu’elle était sa mère adoptive, celle qui l’avait allaité, et que Jacques et Joseph n’étaient ses frères que par adoption. Il s’ensuit que Jésus n’était pas seulement un enfant sans père, mais aussi sans mère, un bâtard au plein sens du mot. Le scandale des nazaréens devient ainsi compréhensible.
Un courant théologique néotestamentaire confirme cette affirmation. L’auteur de la Lettre aux hébreux affirme que Jésus est le sacrificateur selon l’ordre de Melchisédech, parce qu’il est conforme à celui-ci : comme lui, il est sans père (apator), sans mère (ametor) et sans généalogie (agenealogetós) (He 7:1-3). L’auteur de l’Épître trouve dans la condition bâtarde de Jésus le signe qui autorise à l’identifier au Christ, tel que les Écritures l’annoncent dans la figure christique de Melchisédech.
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