ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
Le Jésus de l’histoire :Les détours et l’aboutissement référentiel du discours évangélique |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile De l’Évangile aux évangiles Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire - Détours et aboutissement - Échec des modes traditionnels de lecture - Coupure référentielle - Reconstruction de la figure de Jésus Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Rappelons que le discours évangélique aurait dû concerner le Jésus historique, puisqu’il fut déterminé dans sa démarche par un tournant de l’Église cherchant à atteindre sa visée eschatologique non plus par une rupture avec le monde mais par son insertion dans l’histoire, dans le but de l’accomplir. Mais il ne tint pas cette direction à cause d’un double détour, dont l’un fut motivé par un contexte polémique, et l’autre par le conditionnement religieux des écrivains. La situation polémique fut provoquée par l’apparition de l’anti évangile, qui faisait de Jésus un criminel et un antéchrist. Pour les écrivains, il devenait impossible de parler de lui sans en assumer la défense, mais en le défendant ils se mirent inéluctablement dans une attitude polémique qui les poussa moins à rechercher ce que Jésus était dans les faits qu’à lui ôter l’image honteuse d’homme coupable afin de la remplacer par celle d’un innocent accrédité comme Christ par ses propres œuvres. De même que leurs adversaires, ils s’appuyèrent donc sur des arguments de contradiction et de persuasion plutôt que sur des preuves tirées des faits eux-mêmes. Ainsi passèrent-ils à côté de l’histoire, le Jésus réel demeurant en-deçà de leur discours. Le deuxième détour fut occasionné par leur conditionnement théologique car, croyant au préalable que Jésus était le Christ, ils furent persuadés que, pour le connaître, il suffisait d’interpréter les Écritures, qui étaient pour eux le lieu de révélation du Christ. Ainsi ils ne puisèrent pas seulement l’image christique dans celles-ci, mais ils y recherchèrent aussi comme dans un miroir les traits, les actions et les motivations qui auraient caractérisés son individualité. Ils aboutirent donc à un personnage qui, tout en se rapportant à Jésus, lui demeurait étranger : par le premier détour ils en firent une représentation hypothétique, le décrivant moins comme il avait été en réalité que comme il leur apparaissait du point de vue de sa défense ; par le second ils n’en tracèrent qu’une image typologique, façonnée sur le modèle des archétypes bibliques. Ce personnage est donc moins un portrait de Jésus qu’une aliénation de sa personne réelle. Mais le Jésus de l’histoire est-il tout à fait hors du texte, ou lui demeure-t-il lié malgré les détours ? Il convient de mieux les cerner dans le concret de leur enjeu. En considérant le premier de très près, on constatera que, si d’un côté il éloigne les écrivains du Jésus réel, d’un autre il les oblige à faire leurs les informations de base sur lesquelles s’appuyait l’accusation. Celles-ci furent donc accréditées par leur acceptation et cessèrent d’être de simples témoignages processuels pour devenir des documents d’histoire. Cette constatation bouleverse l’estimation que nous pouvions avoir à première lecture de la valeur référentielle des récits car, quoiqu’au niveau du dire ils s’écartent du Jésus historique, à leur base, au niveau du non-dit, ils contiennent des informations qui se rapportent à lui. Il semble bien – et cela peut apparaître étrange – que les évangiles soient des histoires manquées : théologiques, voire imaginaires, dans leur énoncés, ils s’enracinent néanmoins dans l’histoire. Jésus y apparaît à la fois absent et présent : absent dans la mesure où celui qui parle et agit est le Christ de la foi ; présent en ce que celui-ci est supporté par lui, tel un personnage par un acteur. L’image du Christ n’apparaît ainsi pas tout à fait coupée du Jésus historique, bien qu’elle ait été tirée des Écritures, car elle n’est pas une représentation abstraite mais concrète, à la fois déterminante et déterminée, dans la mesure où elle informe sur des éléments individualisants qui sont du domaine de l’expérience. Ainsi des situations biographiques de Jésus, des traits marquants de son caractère, des modes d’action qui ne relèvent que de lui, se trouvent-ils couverts par cette image quoiqu’en situation de sublimation. En étudiant le processus de cette sublimation, nous avons constaté en effet qu’il s’est déterminé dans le but d’interpréter des « signes » et donc des faits concernant la vie de Jésus qui demeuraient sans sens. En raison de cette double couche, les récits sont d’une complexité insoupçonnée : Si nous regardons les énoncés suivant l’axe syntagmatique leur articulation ne pose pas de problèmes, puisqu’ils s’ordonnent en fonction d’une signification cohérente, mais si, par contre, nous portons notre attention sur le niveau anadygmatique – sur la figuration que les énoncés tracent par leur parallélisme et leur juxtaposition – des tensions apparaissent, en raison précisément de ces deux couches, qui résistent à toute réduction. On ne peut comprendre la figuration – le personnage aussi bien que l’intrigue et l’accomplissement de l’action – qu’en recourant à des structures opposées, dont l’une est propre à l’imaginaire et l’autre à l’historique. À ce niveau, les récits sont semblables aux constructions hétéroclites des églises chrétiennes bâties sur des fondations romaines, ou ornées dans le style baroque alors que leur structure est romane ou gothique. En dépit de leur unité fonctionnelle, le style de ces constructions ne se laisse comprendre que par leur réduction à une double structure architecturale. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg09100 : 25/03/2021 |