L’écriture  des  évangiles

   Le cheminement poursuivi par les évangélistes est déroutant. Leur démarche avait été motivée par une visée historique puisque, conformément au tournant culturel de l’Église, ils devaient rappeler à la mémoire ce Jésus que la prédication apostolique avait refoulé dans l’inconscient collectif. Or il n’en fut rien car, au lieu de donner une description de la personne et de la vie réelles de Jésus, ils ont abouti, par différents détours, à une représentation de caractère littéraire qui prend l’allure d’un personnage théologique. Il y a lieu de croire qu’ils n’ont pas atteint leur but.

   La question se pose alors de savoir où est le Jésus de l’histoire, et comment pourrait-on le reconnaître, si toutefois il était possible de le retrouver. Après cet échec, ne sommes-nous pas contraints de croire que, comme il est devenu tout à fait étranger au texte, il est vain de se mettre à sa recherche ? C’est la conviction que les exégètes les plus consciencieux ont acquise après avoir analysé les textes pour dégager l’image de sa personne : celle-ci leur a échappé comme une ombre, ne leur laissant tout au plus que de minces vestiges, souvent douteux et sans doute insuffisants pour aider à retrouver son visage.

   Poussé par ce problème, je me propose de jeter un regard sur la genèse du discours évangélique pour mieux connaître les détours qui ont amené les écrivains à s’éloigner de leur visée originelle, ainsi que la structure référentielle de leur discours.