ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
Les évangiles et la structure de leur discours :La censure |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile De l’Évangile aux évangiles Structure de l’anti évangile Structure des évangiles - Déstructuration de l’anti évangile - Espace référentiel de Marc - L’image de Jésus- Christ - Les informations traitées comme des signes - Les figures rhétoriques - La censure . L’écart informations- évangiles . Modifications successives Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Les modifications successives de l’image de JésusJe rappellerai à titre d’exemple les modifications subies par les textes répondant à l’accusation que Jésus était un bâtard. Les juifs affirmaient que Jésus était un enfant illégitime en s’appuyant sur le témoignage de ses compatriotes puisque, lorsqu’il alla à Nazareth, non seulement ils ne crurent pas en lui mais ils furent « scandalisés », dans la mesure où ils le reconnurent comme étant l’ancien menuisier dont tout le monde savait qu’il était « fils de Marie », et donc un enfant sans père. En rapportant le fait, Marc demeure fidèle au noyau central de l’information, car les gens auraient dit « N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie » (Mc 6:3), et il ne ressent même pas la nécessité de passer sous silence qu’il avait été aussi objet de scandale. Ces deux informations compromettantes sont cependant précédées par l’affirmation que ces mêmes personnes étaient étonnées tant par sa doctrine que par les prodiges qu’il avait opérés (Mc 6:2). L’évangéliste se contente donc de juxtaposer les deux informations, mais dans l’intention d’effacer le soupçon suscité par la deuxième information au moyen du témoignage sur l’origine divine de la doctrine et des miracles de Jésus contenu implicitement dans la première. Marc emploie donc une méthode de parallélisme, qui s’inscrit dans la cadre de l’analogie : un fait est éclairé et dépassé par un autre fait, qui en est l’analogon. Dans sa narration, Matthieu corrige d’une façon aussi subtile que précise le texte de Marc, en faisant dire aux gens, au lieu de « N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie ? » (Mc 6:3), « N’est-ce pas le fils du charpentier ? N’est-ce pas Marie qui est sa mère ? » (Mt 13:55). Il enlève donc du texte tout motif de soupçon de la naissance illégitime de Jésus, vidant ainsi le chef d’accusation de toute validité. Il ne pouvait pas faire sienne l’affirmation selon laquelle Jésus était connu comme « fils de Marie », alors qu’il avait présenté celle-ci comme l’épouse légitime de Joseph. En outre si, chez Marc, Jésus était le fils de Dieu pour avoir reçu l’Esprit des miracles, chez Matthieu il l’était parce qu’il était l’héritier messianique de la famille de David. Ainsi, alors que Marc se contente d’interpréter l’information à la lumière du messianisme de Jésus, Matthieu la modifie, la transformant en un témoignage qui s’inscrit dans la foi en ce messianisme. L’épisode est repris par Luc (Lc 4:16-30), qui apporte aux dires des gens une modification radicale et change le contexte. Selon lui les assistants n’auraient pas dit « n’est-ce pas le fils du charpentier ? » (Mt 13:55) mais « n’est-ce pas le fils de Joseph ? » (Lc 4:22) : le texte de Matthieu n’avait pas, à ses yeux, éliminé tout soupçon. D’ailleurs il avait déjà affirmé que, quoique né d’une mère vierge, Jésus passait, pour l’opinion publique, comme étant le fils de Joseph (Lc 2). Pour ce qui concerne le contexte, Luc efface toute allusion au scandale suscité par Jésus : au contraire, Jésus aurait lu des passages d’Isaïe, les interprétant comme accomplis sur sa personne (Lc 4:16-21). En regardant de près ces prophéties, on constate qu’il s’agit de plusieurs citations interprétées et disposées de façon à constituer un récit correspondant aux œuvres messianiques de Jésus. Les textes messianiques sont donc interprétés de façon parabolique : si on veut en comprendre le sens en tant que Christ selon l’Esprit, il faut regarder la vie de Jésus. Nous retrouvons cet épisode dans le quatrième évangile, mais dans un autre contexte, puisqu’il s’agit d’un discours que Jésus aurait tenu dans la synagogue de Capharnaüm après la multiplication des pains. Jésus ayant affirmé qu’il « était le pain descendu du ciel », les gens dirent : « N’est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? » (Jn 6:41-42). Il convient de remarquer que Jean modifie l’interrogation de façon à refouler toute allusion possible à l’origine bâtarde de Jésus, puisque non seulement les assistants témoignent qu’il est fils de Joseph, mais aussi qu’ils connaissent le père et la mère de celui-ci ; s’ils s’interrogent sur l’identité de Jésus ce n’est pas, comme chez Marc, pour opposer la puissance de sa doctrine à son origine bâtarde et sans culture, mais la proclamation de son origine divine au fait qu’il soit né comme tout homme. Par cette opposition, Jean remplaçait le soupçon de naissance illégitime par une allusion à peine voilée à l’incarnation : par une approche allégorique, la matérialité – littéralité – de l’information devenait morphème d’une signification spirituelle et transcendante. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg08620 : 24/03/2021 |