ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


La crise galiléenne




La mise entre parenthèses du contexte et l’analyse du miracle :

Le symposium du récit et la fraction eucharistique du pain



Sommaire
Avertissement au lecteur

Mise entre parenthèses du contexte
- Introduction
- Le symposium du récit
   - L’action de Jésus
   - Division et fraction
     eucharistique
   - Sens de la fraction du pain
   - Un récit eucharistique
   - Banquet et assemblée
     liturgique
   - Conclusion
- Les miracles du Christ
- Miracle de la croissance
- Miracle de la constitution
- Miracle du rassasiement
- Miracle de prédication
- Du miracle du Christ au
   miracle de Jésus
- Jésus accomplit un miracle
   du Christ

Mise entre parenthèses du miracle



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L’action de Jésus sur les pains
et sa fonction représentative


Voir le synopsis


   Dans cette synopsis, on notera avant tout l’accord entre les trois textes synoptiques du premier récit. L’action se déroule avec la même succession d’actes qui, de surcroît, sont exprimés par des verbes identiques. Des différences, au contraire, apparaissent entre ces récits et celui du quatrième évangile, qui omet d’une part de faire allusion à la fraction du pain et, d’autre part, remplace la bénédiction par l’action de grâces.
   Quant aux récits de la deuxième multiplication, ils ne diffèrent de ceux de la première que par la substitution de l’action de grâces à la bénédiction. Mais sur l’essentiel, tous les textes sont descriptifs d’une même action qui peut se résumer ainsi : action de grâces ou bénédiction, fraction des pains, remise aux disciples pour leur distribution à la foule assise en groupes.
   Ce schéma de repas est sans doute conforme au mouvement de l’emploi du pain dans tout repas au sein de la culture juive ancienne. L’ensemble de ces gestes semble donc moins indiquer des conditions concrètes que l’essence commune du repas coutumier. Cela ne doit cependant pas nous empêcher de poursuivre la recherche sur sa représentativité.

   D’abord, quant à la conformité de cette suite d’actes au schéma possible d’un pique-nique réel, dans le contexte de la vie de Jésus. Que ce pique-nique fut possible, la vie de Jésus le montre, car Jésus a toujours vécu hors de la maison, en contact avec le peuple, qui était constitué par des gens pauvres, vivant en marge de la société et venant à lui plutôt poussés par des besoins matériels de guérison et de faim que par une exigence spirituelle. Il ne paraît donc pas étonnant que Jésus ait pu consommer un repas avec la foule, en partageant, après l’avoir mis en commun, le casse-croute que chacun avait apporté avec lui.
   Évidemment, ce repas ne pouvait pas ne pas être précédé par une bénédiction ou une action de grâces. Quant au passage de notre part de la possibilité du fait à son existence réelle, il suffirait de se fier aux évangélistes, qui l’ont effectivement inscrit dans le cadre de la vie de Jésus.

   Cette possibilité d’action reste cependant abstraite, car elle n’est pas conforme à la description du récit. Dans celui-ci, en effet, la « fraction » du pain prend une importance toute particulière, alors qu’elle apparaît superflue dans un repas réel, Jésus n’ayant pas devant lui un pain qu’il aurait dû rompre pour le partager, mais plusieurs. Pour que ceux-ci fussent distribués, il suffisait de les donner aux disciples. La fraction apparaît donc surajoutée, dans le but de surdéterminer le sens naturel de l’action.
   Selon le récit, la succession des actes constitue une séquence sans interruption, de manière qu’on ne distribue que le pain qui a été rompu par Jésus. Or cette suite aurait été impossible dans un repas réel, car si Jésus avait dû diviser tout le pain nécessaire pour satisfaire les cinq mille convives, il serait tombé d’épuisement et aurait aussi épuisé les disciples !
   L’action des disciples, elle aussi, nous apparaît abstraite, car d’une part leur nombre ne correspond pas à la division de la foule en groupes, et d’autre part leurs mains n’auraient pas suffi à distribuer tout ce pain et ce poisson. Certes, le récit fait allusion à douze corbeilles, donnant à penser qu’ils auraient pu mettre les morceaux de pain dans ces corbeilles, mais d’où venaient ces corbeilles ? Est-il possible que les disciples les aient apportées avec eux dans l’éventualité que Jésus les remplisse de pain béni ?
   L’ordre des mots ne semble donc pas se décalquer sur un repas réel, mais sur la description d’un repas dont la fonction est symbolique.

   On a donc des raisons de croire que la description n’est que littéraire, ce repas n’existant que dans le récit lui-même. Cela expliquerait les libertés que les évangélistes ont prises dans le conte, puisqu’ils se sont sentis autorisés à changer le lieu, les circonstances, le nombre des disciples, des pains et de la foule, et même à remplacer la bénédiction par l’action de grâces. Si l’on ôte ces variantes, que reste-t-il d’objectif dans le récit ? Seulement un schéma dépourvu de toute détermination.

   Mais il serait abusif de nous orienter sans plus réfléchir dans cette direction car, quoique trop floue pour correspondre au déroulement réel d’un pique-nique populaire, la description apparaît suffisamment déterminée pour être représentative d’un repas rituel au sein de la communauté religieuse.
   On remarquera en effet le soin mis par les écrivains pour exprimer la série des actes avec les mêmes verbes, comme s’il s’agissait de gestes codifiés, dont la valeur est leur propre signification. L’action elle-même paraît moins ordonnée au rassasiement de la foule qu’à supporter le croisement de deux axes de signification : bénédiction et multiplication, division et partage. Cette valeur rituelle se laisse surtout entrevoir dans la substitution du verbe « bénir » par le verbe « rendre grâces ». Cette différence est théologique : en effet, dans la tradition néotestamentaire, les deux mots se rapportent au même rite, mais chacun exprime une signification différente, l’un mettant l’accent sur la bénédiction et l’autre sur l’action de grâces. D’ailleurs, c’est précisément par les expressions « fraction du pain » et « eucharistie » que, dans cette même tradition, ce rite a été successivement nommé. Il convient donc d’explorer ce nouveau champ de recherche.



1984




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ti11100 : 20/09/2017