La crise galiléenne

   Chez Marc, le nombre de personnes rassasiées apparaît à la fin du récit : « Ceux qui avaient mangé les pains étaient cinq mille hommes » (Mc 6:44). En plaçant ce nombre à cet endroit, Marc entend agir sur le lecteur par surprise, dans le but de lui faire saisir le prodige avec un étonnement de foi. D’autant plus qu’il s’agit exclusivement d’hommes (andres), laissant ainsi entrevoir, si on inclut les femmes et les enfants, une foule au moins double ou triple. Notre attention est attirée par le fait que le rapport de multiplication, qui va de cinq à cinq mille, change d’objet puisque le nombre de cinq se rapporte à des pains, tandis que le cinq mille concerne des personnes. D’où le sens énigmatique de la proportion numérique : le récit veut-il parler d’un prodige de multiplication des pains – comme on le conçoit d’habitude – ou, par le symbolisme des pains, vise-t-il la multiplication de la communauté d’hommes ?
   Si l’on tient compte que le récit se rapporte à la fraction eucharistique du pain qui, chez Paul et dans la Didaké, est employé comme symbole du rassemblement universel des croyants, cette interrogation prend force d’une hypothèse. J’explorerai donc cette direction, me proposant de rechercher si cette croissance trouve sa correspondance dans la prise de conscience que l’Église primitive eut de son propre développement.