ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


La crise galiléenne




La mise entre parenthèses du contexte et l’analyse du miracle :

Le miracle de la croissance de l’Église



Sommaire
Avertissement au lecteur

Mise entre parenthèses du contexte
- Introduction
- Le symposium du récit
- Les miracles du Christ
- Miracle de la croissance
  - Les rapports de nombres
  - Symbolique et sémantique
    des nombres

  - Le prodige dans les Actes
  - Bénédiction de Dieu et
    bénédiction du Christ
  - Les Douze, Cinq et Trois
  - Bénédiction eucharistique
- Miracle de la constitution
- Miracle du rassasiement
- Miracle de prédication
- Du miracle du Christ au
   miracle de Jésus
- Jésus accomplit un miracle
   du Christ

Mise entre parenthèses du miracle



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Symbolique et sémantique des nombres


   Il convient de cerner la signification de ces nombres avant d’en rechercher la référence. Dans toute la littérature ancienne, les nombres ne sont pas employés seulement comme unités de mesure, mais aussi comme signes et expressions d’un double langage symbolique et sémantique.

   D’origine astrologique, la fonction symbolique relevait du présupposé que les nombres qui mesurent l’ordre de l’univers sont aussi représentatifs de l’essence des choses. Ce fut sans doute une conception mathématique du monde, sans qu’elle soit mécanique pour autant, car il ne s’agissait pas de réduire l’étant à des rapports quantitatifs, mais de voir en ceux-ci les signes d’une réalité qui les transcende.
   À titre d’exemples, je rappellerai le nombre douze, correspondant au cycle solaire et représenté par les douze dieux du zodiaque ; le sept, correspondant au cycle lunaire ; le quatre, aux quatre dimensions de l’univers comme aux quatre saisons ; le trois, relevant de la distinction entre ciel, terre et eau, ou ciel, terre et abîme.
   Par dérivation du sens originel, ces mêmes nombres devinrent schéma dans le cadre des systèmes de valeur et de représentation. Tels le nombre douze, dans la fondation des peuples (les douze tribus d’Israël, les douze apôtres, les douze travaux d’Hercule, etc.) ; le quatre, dans le système éthique (les quatre vertus cardinales, les quatre chevaux de la punition de Dieu) ; le sept, dans la division du temps sabbatique des juifs, etc.

   La fonction sémantique était d’un autre ordre, convenant aux nombres seulement au niveau de leur signe qui correspondait, chez les juifs et chez les Grecs, avec les lettres de l’alphabet. Ainsi, de même qu’un syntagme était aussi un nombre, un nombre pouvait coïncider avec un mot du lexique de la langue. La lecture des mots dans le système des nombres devint fréquente dans la littérature apocalyptique, à cause précisément de son caractère énigmatique : rappelons-nous le célèbre nombre 666 de l’Apocalypse, qui cache dans son chiffre le secret d’un nom. Mais on se tromperait si on croyait que l’emploi du mot comme nombre ou du nombre comme mot ne fut qu’un jeu de l’esprit, car il constituait au contraire un véritable langage, en usage surtout dans les religions en vue de la signification des mystères réservés aux initiés et défendus aux profanes.

   Les nombres qui ponctuent l’axe de multiplication de cinq par mille ne sont pas, eux, symboliques. Il convient donc de chercher s’ils peuvent être lus comme des lettres en correspondance avec des mots. La recherche n’est pas facile, puisqu’il se peut que les nombres correspondent à la totalité des lettres qui constituent un mot, ou seulement avec les initiales. Dans ce cas, il est nécessaire de repérer au préalable le champ sémantique du récit, dans notre cas la bénédiction et la distribution des pains.
   Nous nous rapporterons au premier chapitre, où j’ai étudié ces deux champs. L’action exercée par l’actant du récit se donne à voir sémantiquement comme un prodige de multiplication qui, au niveau référentiel, se rapporte à la fraction eucharistique du pain dans la communauté ecclésiale. En tant que prodige, elle attire notre attention d’abord sur la personne qui l’opère : celle-ci est Jésus ; ensuite sur son caractère extraordinaire et miraculeux, puisqu’elle parvient à multiplier les cinq pains au point de rassasier cinq mille personnes. Ce qui frappe donc, c’est le rapport de multiplication de cinq par mille.
   Au niveau référentiel, le sens se précise et s’historicise. Le Jésus du récit apparaît être le Christ-Seigneur de la foi, cependant que la multitude est l’assemblée ecclésiale. Ainsi, du contexte des mots émergent : Jésus, Seigneur, Christ, Église. Or la première lettre du mot « Église » (Ecclesia) est aussi le signe du chiffre cinq, tandis que l’initiale de Jésus (Iesous) désigne le dix, celle du Seigneur (Kurios) vingt, et celle du Christ (Xristos) le millier. Il semble ainsi que Église égale cinq, Jésus dix, Seigneur vingt et Christ mille. Cette correspondance des signes nous permet aussi de faire passer le sens d’un niveau à l’autre, autrement dit des mots aux nombres et des nombres aux mots, car le processus des multiplications de cinq par dix, par vingt et par mille prend sens dans le miracle de croissance que, selon la foi, le Jésus, Kurios et Christ a opéré dans son Église. Le nombre final de cinq mille prend donc le sens d’ « Église du Christ » (Ecclesia tou Xristou) et de « eucharistie de Christ ». Et si on lit le nombre non en chiffres mais en lettres, tel qu’il est rapporté par Marc, « penteki xilioi », le sens apparaît plus complet, puisqu’il peut être traduit par « Église du Seigneur Christ » (Ecclesia Kiriou Xristou).

   Venons-en au nombre douze. Comme je l’ai dit, il est d’origine symbolique et signifie la structure de base du processus de croissance : douze disciples, de même que douze tribus en Israël sur le modèle des douze dieux du ciel qui supervisent le cycle solaire. La multiplication de douze par douze, étant carrée, prend le sens d’une pluralité accomplie dans la totalité de sa propre possibilité indéfinie. C’est ainsi l’expression d’une communauté parvenue à son aboutissement par l’épanouissement parfait de sa propre vie.
   Mais on peut aussi lire ce chiffre par une réduction sémantique. Dans le rapport de multiplication de douze par douze, le multiplicande demeure symbolique, tandis que le multiplicateur, en lettres, est constitué par les initiales « I. B. ». Parmi les mots lexicalement possibles, le champ sémantique du récit et du contexte évangélique nous suggère « Iesous Basileus » ou « Iesous Basílerai ». Le royaume de Jésus résulterait donc de la multiplication du nombre des douze disciples par le nombre de Jésus-roi. Et les deux nombres étant les mêmes, il en résulte une totalité parfaite dans un nombre carré.
   Ce sens peut paraître sophistiqué, à cause de sa subtilité, il n’en demeure pas moins qu’il s’inscrit dans la thématique du royaume auquel le récit semble se rapporter car, selon la vision eschatologique de l’Église, les apôtres étaient destinés à siéger comme des juges sur les douze tribus d’Israël lorsque le fils de l’homme apparaîtrait assis sur le trône du royaume (Mt 19:28 ; Lc 22:30).

   Le récit est très complexe, touchant l’énigme par-delà sa signification directe. En effet, le miracle opéré par Jésus est représenté aussi par le truchement du nombre. La forme littéraire énigmatique adhère au caractère mystérieux du référent, car il s’agit à la fois de l’action liturgique de la fraction du pain et du processus de croissance de l’Église, conçu comme miracle du Christ. C’est donc un mystère de foi. L’expression énigmatique sert pour révéler ce mystère aux initiés et le cacher aux profanes.



1984




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ti13200 : 26/04/2017