La crise galiléenne

Conclusion

   De l’ensemble de ces remarques, il résulte que la figuration du récit de la multiplication est représentative d’un fait réel, qui n’est pas cependant un repas que Jésus aurait eu avec les gens à l’issue d’un rassemblement missionnaire, mais l’assemblée eucharistique de la communauté ecclésiale.
   Le mode de cette représentation est double car, descriptif et iconographique quant à l’action liturgique, il demeure figuratif et métaphorique, par transposition d’image, à l’égard de la communauté rassemblée.
   Il est évident que, dans cette double représentation, le cadre biographique n’est qu’apparent, destiné à exprimer le double niveau de la cérémonie liturgique. Jésus, ici, n’est pas une personne mais un personnage, qui traduit au niveau du récit à la fois la personne du célébrant de l’office et la présence invisible du Christ. De même les disciples représentent-ils les diacres, et le peuple l’assemblée des fidèles. Nous chercherons par la suite à comprendre les raisons et le mécanisme de cette transposition. Quant à la scène de fond, elle apparaît comme l’extension du repas eucharistique autour des tables, dans l’espace imaginaire de la croissance d’une Église qui prétend couvrir la dimension de l’empire.
   Dans la représentation de la liturgie, cependant, le récit a un but bien précis, celui d’en mettre en évidence une efficacité salutaire en même temps que prodigieuse. C’est dans ce but, peut-être, que ces récits se distinguent des autres textes eucharistiques, car tandis que ceux-là visent à révéler le sens caché du mystère, ceux-ci manifestent la fonction sociale du rite dans le cadre de la vie historique de l’Église. Ainsi les premiers sont-ils liturgiques, et les derniers davantage éthiques et, dirais-je même, politiques.