ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


La crise galiléenne




La mise entre parenthèses du contexte et l’analyse du miracle :

Du miracle du Christ au miracle de Jésus



Sommaire
Avertissement au lecteur

Mise entre parenthèses du contexte
- Introduction
- Le symposium du récit
- Les miracles du Christ
- Miracle de la croissance
- Miracle de la constitution
- Miracle du rassasiement
- Miracle de prédication
- Du miracle du Christ au
   miracle de Jésus

   - Confession de foi
   - Jésus-Christ a priori
   - Prédication apostolique
   - Conscience populaire et
     Christ
   - Recherche de Jésus
   - Imagination fabulatrice et
     récit
- Jésus accomplit un miracle
   du Christ

Mise entre parenthèses du miracle

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Jésus-Christ et l’a priori des Écritures


   Il est opportun de nous arrêter sur les conséquences de ce processus interprétatif. Si la confession de foi ne s’appuie sur aucun signe, il s’ensuit qu’elle demeure sous l’obscurité d’une énigme. En effet, on identifie le Christ et tout ce que cette représentation comporte avec Jésus, sans qu’on puisse en voir les raisons objectives de convenance : c’est une affirmation tout à fait gratuite au niveau épistémologique, et qui ne se justifie que par un procédé d’interprétation.
   Dans ce jugement, Jésus n’a d’autre fonction que de situer dans le temps, dans l’espace et dans une individualité concrète la personne du Christ, accompli dans son essence au niveau des Écritures. Il s’agit donc d’une fonction purement référentielle, mais qui apparaît vide. Sans compter aussi qu’aussitôt découvert comme Christ, le Jésus de l’histoire sort du champ d’intérêt de la foi, puisqu’il apparaît comme ressuscité et donc dans une condition d’être tout à fait différente où de charnel il devient spirituel, de mortel immortel, de terrestre céleste. Il est donc affirmé Christ au prix du sacrifice de son être historique, qui est refoulé dans la zone de l’insignifiant.

   D’où vient donc Jésus-Christ ? De l’a priori des Écritures. Sa résurrection une fois admise, il ne restait aux disciples de Jésus que de regarder les Écritures pour parvenir à connaître l’essence du Christ et l’attribuer à Jésus. Mais si les souvenirs concernant Jésus ne correspondaient pas à cette essence, ou s’ils présentaient des vides ? Cela n’avait pas d’importance, puisque ces souvenirs n’étaient que des données, des matériaux susceptibles d’offrir une référence d’individuation et non l’essence christique.
   La mise en œuvre de ce procédé a priori d’interprétation apparaît d’une façon explicite chez Luc, car il met dans la bouche du ressuscité à l’adresse des disciple (comme si son apparition ne suffisait pas) ces paroles : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrit ces choses et qu’il entrât dans sa gloire ? Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24:26-27). L’apparition, en effet, est la traduction en récit d’une conviction de foi, à laquelle les disciples parvinrent par l’interprétation des Écritures : voir le ressuscité, c’est avant tout reconnaître par les Écritures qu’il devait ressusciter, de même qu’il avait dû souffrir. On ne prend donc intérêt à Jésus que relativement à ce qui se trouve dans les Écritures, ce n’est pas l’être de Jésus qui détermine le Christ, mais le devoir-être du Christ des Écritures. L’a posteriori du fait et de la vie historique de Jésus ne représente que le niveau matériel de ce processus d’interprétation dont l’écriture est la forme.

   L’exigence de cet a priori apparaît de façon frappante dans la façon dont l’Église primitive a cherché à comprendre christologiquement la condition d’existence charnelle et historique de Jésus. Quoi qu’elle, en tant qu’objet d’expérience mondaine, se situe hors du champ de la foi, elle reste cependant liée à la personne du Christ, d’où la nécessité de trouver un modèle qui puisse unir les deux existences sous la même personne, tout en laissant la première hors de la zone d’intérêt.
   Trois modèles apparurent successivement, créant aussi des courants christologiques différents : le modèle de la métamorphose, celui de la Kénose, et celui de l’incarnation. Selon le premier, Jésus a été « élevé » et « glorifié » par sa résurrection ; subissant ainsi une métamorphose de son être, il est devenu un être céleste. Selon le deuxième, Jésus n’était que la Kénose du Christ qui, vivant « en forme de Dieu », c’est-à-dire dans un corps céleste, est mort à lui-même pour assumer un corps charnel. Selon le troisième modèle, Jésus est la parole de Dieu incarnée, de la même façon que, dans le langage, un sens spirituel s’incarne dans le sens littéral et grammatical d’un énoncé.
   Malgré leurs différences, ces trois schémas eurent la même portée quant à la compréhension de Jésus. Celui-ci se trouvait, certes, dans une situation d’appartenance au Christ, mais il s’agissait d’un Christ pressenti, anéanti ou caché dans la chair. Autrement dit cette chair – paroles, actes, expérience, relations, etc. – qui était Jésus devenait comme une enveloppe qui, tout en contenant le Christ, le cachait sous l’énigme, d’où l’impossibilité de partir de cette chair pour découvrir le Christ, et la nécessité de la transcender pour chercher à connaître le Christ sous les Écritures.

   L’exigence d’une connaissance historique de Jésus à partir d’une documentation d’information n’apparaît qu’avec les évangiles. Avant ceux-ci, il n’y a d’approche de Jésus que par les Écritures. Paul prend d’ailleurs soin de l’affirmer de façon explicite, n’entendant parler de Jésus que « selon les Écritures ». Le Jésus historique reste hors du champ gnoséologique de l’Église.
   Mais une question se pose quant à la zone d’intérêt portée par celle-ci dans cette approche de Jésus. Car Jésus-Christ offrant deux existences, une terrestre et cachée dans la chair, l’autre céleste et glorieuse, il est opportun de se demander si celles-ci ont fait l’objet de la même attention et du même intérêt.



1984




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ti17200 : 10/05/2017