ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisAutobiographie |
Philosophie et départDe la théologie à la critique |
EN SARDAIGNELE DÉPARTL’ITALIEAu collège d’ArezzoLe Noviciat Philosophie et départ - Du ginnasio aux écoles de philosophie - À l’Angelicum - La visite du Père Pègues - La constitution du centre régional - Sous l'occupation de l’Italie par les nazis - De la théologie à la cri- tique - Le Saint Office - De Florence à la France PUIS LA FRANCE............................................ |
uelques jours avant l’entrée des Américains dans Rome, j’assistai à la traversée de la ville par les soldats de la division allemande du Monte Cassino, commandée par le maréchal Kesserling. Le spectacle fut quasi religieux. Un défilé qui dura, je crois, trois jours, d’hommes blessés, boiteux, avilis, mais en ordre et forts, pas assez pour attaquer, mais au moins pour résister encore à l’avance américaine. Les romains suivirent le défilé muets, respectueux, émerveillés, et sans doute pleins de compassion en voyant beaucoup de jeunes. Signe d’une réconciliation existentielle avec le peuple allemand. Ce fut peut-être par cette vision que les Italiens purent rejeter de leur inconscient leur adhésion au fascisme, et leur condition de peuple vaincu, humilié, déprécié, pour exister dans une nouvelle personnalité, celle de « résistants ». C’est comme tels que se présentèrent les réfugiés, pour lesquels je signai des témoignages pour qu’ils obtiennent la médaille d’argent. Quant à moi, je n’étais pas dans cette situation, par mon statut de religieux intérieurement sujet à une profonde crise religieuse. Je m’étais consacré au sauvetage des juifs plus par une prise de conscience de la solidarité humaine et de la responsabilité chrétienne que par une motivation politique de défense des Droits de l’homme. Le fait que je me sois ainsi engagé trouvait une opposition dans l’Église par l’excommunication de l’Ordre et, même si elle ne pouvait pas être exécutée, la contradiction avec les exigences de mon statut religieux me jetait dans une situation de doute sur les principes de ma foi et de mon statut clérical. Il est vrai que, pour parvenir à l’aboutissement de mes projets, je prenais des libertés envers la discipline conventuelle qui, sans doute, étaient excessives. Mais il m’était impossible d’agir autrement. Convaincus que l’ordre dominicain avait été institué pour l’annonce de la parole de Dieu et non pour le rétablissement de l’ordre social, ses « Supérieurs » ne pouvaient considérer mon action que comme une transgression de la règle de la communauté. J’agissais comme un laïc, non comme un religieux. Cette conviction les amenait à être toujours durs et intransigeants à mon égard. Mais pourquoi cette opposition, si je n’avais fait que suivre le Christ en sauvant la vie d’hommes au risque de la mienne et prêt à la donner à tout moment ? Une parole, celle de la tradition, résonnait à mes oreilles : « Tu es dominicain, de l’Ordre créé pour les études et la défense de la foi, recherchant les hérétiques certainement pas pour leur sauver la vie. Comme tel, tu es un religieux engagé dans le service religieux comme le chœur, la prédication, le culte, la vie en communauté. Maintenant ton engagement à sauver des hommes de leurs périls te met en dehors de la condition de vie de l’état de religieux. C’est un engagement, certes, nécessaire, mais il doit être accompli par d’autres. » Mais le Christ, alors ? « Nous devons imiter le Christ, mais ne pas confondre sa mission avec la nôtre. Le Christ n’a pas donné sa vie pour sauver les hommes des persécutions ou des abus des pouvoirs politiques, mais du péché. Si dans notre responsabilité politique nous devons combattre ces abus et défendre notre liberté, c’est notre droit, cependant l’imitation du Christ est plutôt d’exhorter les opprimés à supporter leur souffrance et à l’offrir en sacrifice à Dieu pour la rémission des péchés de ceux qui les provoquent. » Oui, j’ai compris, mais peut-être trop. Si l’homme religieux, quand il peut sauver des hommes oppressés, s’en abstient pour ne pas sortir de la condition de son statut et profite de cette situation pour les exhorter à subir les souffrances imposées pour les offrir en sacrifice d’expiation pour les péchés de leurs persécuteurs, c’est de l’héroïsme pour un homme normal et de l’aliénation pour un religieux. Parce qu’en réfléchissant ainsi, on laisse le délinquant commettre son crime, afin que la victime le sauve par le sacrifice de sa souffrance ou de sa mort. Folie ! Plus folle encore m’apparaissait la mission que la foi confie au Christ. Le fils de Dieu offre sa vie à son père comme prix de rachat de la condamnation à mort que les hommes ont subi pour leurs péchés, afin qu’ils obtiennent de lui le pardon et redeviennent éternels comme au début. Et Dieu est amour ! Mais comment peut-il l’être s’il ne concède sa grâce que quand son exigence de justice est satisfaite avec pour prix la mort de son propre fils ? Mais le Dieu du Christ est-il un père ou, comme l’en accuse le blasphème en usage en Toscane, un bourreau ? Ces doutes m’amenaient à penser que ma carrière de docteur en théologie était finie, et que je commençais peut-être celle de critique. Je me rappelais les paroles du père Brown. J’avais certes la théologie, mais celle-ci n’était pas plus qu’une quille posée sur ma main, un souffle la ferait tomber par terre. Je devais sortir de cette situation et me mettre en condition d’entreprendre un autre challenge, celui de sauver la raison offerte en sacrifice au Dieu de la foi ! Et je me retrouvais dans une « forêt sauvage, et âpre et forte, à laquelle penser renouvelle la peur » ! |
t505600 : 19/12/2020