ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
![]() |
![]() |
![]() |
||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Ennio FlorisProméthée et Jésus : |
Première partie : Dieu, le Sauveur et la mort |
Sommaire Introduction Dieu, le Sauveur et la mort - La colère de Dieu et le péché - Dieu et le Sauveur - Le Sauveur contre Dieu - Le feu - Procès et condamnation - Océan et Pierre . Océan . Pierre . Le temps de l’échec - Océanides et filles de Jérusalem - Io et Marie - La mort - La rédemption - L’eschatologie Le mythe d’Io et l’évangile de Marie Conclusion théologique . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Le temps de l’échecMais le moment où Prométhée révèle par sa souffrance le but de toute son œuvre devient pour Océan le temps de l’échec. Pierre, lui aussi, suit le Christ partout, se faisant grand par sa grandeur. Mais lorsque le Christ lui dévoile la nature de sa mission et de son royaume, il se sépare de lui. D’ailleurs, avant de s’opposer au Christ sur la doctrine du royaume, Pierre s’oppose à lui pratiquement : il ne peut en effet ni comprendre ni accepter que le Christ aime les hommes jusqu’à se pencher sur les plus misérables. Souvent, lorsqu’un homme s’approche de Jésus, Pierre ou ses apôtres sont là pour empêcher la rencontre directe. Ce comportement trahit dans l’homme devenu apôtre un orgueil démesuré : il semble considérer l’œuvre du Christ en fonction de sa carrière. Le moment sublime dans le ministère de l’apôtre, c’est lorsqu’il confesse la messianité de Jésus : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant » (Mt 16:16). C’est à ce moment que le nom que Christ lui avait donné, Pierre, reçoit une signification prophétique par rapport au rôle qu’il devra jouer au cours de l’institution de l’Église. Mais cette proclamation de Jésus, tout en faisant Pierre grand en tant qu’apôtre, est aussi l’occasion de dévoiler la petitesse de Pierre en tant qu’homme ; en effet, au moment où Jésus, tout de suite après cette confession qui l’a proclamé Messie et fils de Dieu, se met à révéler aux disciples la nature de son messianisme et à leur annoncer sa mort, « Pierre, l’ayant pris à part, se mit à le reprendre et dit : À Dieu ne plaise, Seigneur ! Cela n’arrivera pas » (Mt 16:22). L’acteur Pierre ôte son masque pour se manifester tel qu’il est : « Simon, fils de Jonas » (Mt 16:17). Par ces paroles, Pierre juge le sauveur en raison de sa conception messianique personnelle. Il reprend Jésus comme s’il avait commis une faute d’interprétation messianique ou comme si c’était par défaillance qu’il devait mourir sur la croix. On comprend sans peine que Pierre exclue des plans du sauveur la souffrance et la crucifixion. Il aspire à un messianisme politique, et croit que le Christ doit prendre possession du royaume et de Jérusalem pacifiquement, en opérant un prodige qui surmonterait toute opposition et toute contrainte, même celle des Romains. Or Jésus, bien qu’acceptant l’élu, répudie en Pierre l’homme, qu’il considère comme Satan. Ses paroles, elles aussi, sont prophétiques dans la mesure où elles prédisent que Pierre demeurera étranger à la passion. Il est comme tenu à l’écart de cette croix à laquelle il n’a pas cru et dont il ne s’approchera que pour être jugé. Avant de retrouver Pierre sur les lieux du procès de Jésus, nous le voyons la veille, lorsque le maître annonce la défection de tous ses disciples. Pierre intervient, comme d’habitude de toute la promptitude de son esprit, pour affirmer sa fidélité : « Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierais jamais » (Mt 26:35). Il s’élance par avance vers la croix parce qu’il n’osera pas, plus tard, s’en approcher. Il y a dans son témoignage une sincérité qui révèle bien qu’il est l’ami de Jésus. Mais Pierre n’a pas de lui-même une connaissance véritable. Il se connaît par ses élans, son zèle et sa passion, mais il ne sait pas qu’il est au fond tiraillé par deux exigences, celle de l’homme et celle de l’apôtre, celle de la nature et celle de l’élection. Il est toujours porté à dire des choses plus grandes que son être, et lorsqu’il s’agit de les réaliser, il échoue. On pourrait croire que Pierre s’est converti à la parole de Jésus annonçant la nécessité de la souffrance. Car cette fois-ci, bien loin de faire des reproches à son maître, il propose au contraire de mourir avec lui. Cependant, le ton sur lequel il prononce ces paroles, et son comportement par la suite, démontrent qu’il n’a pas encore compris la passion du Christ. Il veut mourir avec le Christ, en ce sens qu’il désire se battre pour le défendre, qu’il ne s’enfuira pas, mais restera à son côté pour protéger sa personne, jusqu’à mourir s’il le faut. Le fait qu’il s’était déjà procuré une épée et qu’il la garde, qu’il l’emploie contre Malchus, manifeste que telle était son intention. Il l’avait d’ailleurs implicitement fait comprendre lorsqu’il avait dit « cela ne t’arrivera pas » (Mt 16:22), propos qui signifie que lui, Pierre, en s’y opposant, fera que cela n’arrivera pas. La figure de Pierre se rapproche de façon surprenante de celle du dieu mythique de la mer, car il parvient lui aussi à se proposer comme sauveur du Sauveur, sans rien comprendre de l’œuvre de salut que Dieu opère dans le Christ. Mais, une nouvelle fois, Jésus le tient éloigné de sa propre mort en lui prédisant son reniement. Et il l’écartera encore au moment où il cherchera à empêcher son arrestation. Jésus, comme Prométhée, refuse de se laisser défendre : le sauveur ne peut pas être sauvé. Errant comme une brebis sans berger, Pierre décide cependant de suivre son maître sur le chemin de la croix, non pour mourir avec lui, mais pour voir. Celui qui a suivi Jésus durant tout le temps de la prédication est rejeté au temps de la passion. Il s’approche, sans pouvoir monter sur la scène. Il n’est plus acteur, mais un spectateur qui, de la salle, regarde le drame se jouer. C’est alors qu’il parvient à se connaître, car contraint à confesser le Christ, il le renie. Celui qui prétendait mourir pour le sauveur a peur de mourir pour lui-même. Il s’en va, comme un Titan déchu, reprendre sa barque, et n’est plus alors un pêcheur d’hommes mais un pêcheur de poissons. Sa fidélité s’est rompue, afin que son amour soit éprouvé par la croix. |
![]() ![]() ![]() ![]() t910630 : 27/01/2021 |