ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris



Prométhée et Jésus :
d’Eschyle aux évangiles


(esquisse d’une théologie du mythe)





Première partie : Dieu, le Sauveur et la mort

IV – Le feu




Sommaire

Introduction

Dieu, le Sauveur et la mort
- La colère de Dieu et le
  péché
- Dieu et le Sauveur
- Le Sauveur contre Dieu
- Le feu
  . Le feu de Zeus
  . Le feu de Yahvé
  . Le feu de Jésus
  . L’analogie entre le
    mythe et l’évangile
- Procès et condamnation
- Océan et Pierre
- Océanides et filles de
  Jérusalem
- Io et Marie
- La mort
- La rédemption
- L’eschatologie

Le mythe d’Io et l’évangile de Marie

Conclusion théologique



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

Le feu de Zeus


   Prométhée manifeste son amour pour les hommes en leur donnant le feu en partage ; ce faisant, il se révolte contre Zeus.

   Le feu est en effet l’expression de la nature et de la puissance divine. Son origine relève de l’expérience humaine la plus ancienne, lorsque l’homme primitif, à la recherche d’un moyen de défense, trouvait en lui la source même de son existence. Le feu exprimait pour les mortels la présence de la divinité. Dans le mythe, il devient l’expression de la vie et de la puissance de Zeus. Celui-ci respire du feu, en ce sens qu’il dégage du feu lorsqu’il respire. La respiration étant l’expression de son âme et de sa vie, le feu signifie le pouvoir qu’il a de créer et de détruire. Une fois exhalé de son âme, le feu prend l’apparence de la foudre qui est le sceptre de sa royauté.
   Cependant, le feu ne se trouvait pas seulement chez Zeus ; les autres dieux aussi avaient libre accès à la forge où Héphaïstos préparait les armes et les blasons divins. Le feu est donc l’expression de la divinité en général, bien que Zeus surpasse les autres dieux dans la mesure où la foudre lui appartient et parce que le feu est dans son souffle. Le divin est en lui comme principe de vie, cependant que les autres dieux le partagent en tant que symbole de la science et de l’art.
   Les hommes ne pouvant, quant à eux, accéder à la forge d’Héphaïstos, sont privés de feu, donc ne connaissent ni les arts, ni par conséquent la civilisation. Ainsi leur condition est, comme nous l’avons déjà vu (ici et ici), misérable et pénible ; pour n’avoir pas l’usage du feu, ils sont condamnés à la mort. Sans doute ont-ils l’intelligence, mais elle est impuissante à maîtriser la nature, à les délivrer de l’esclavage de la matière. Ils restent à la merci des dieux, incapables de se défendre contre leur puissance.
   Si Prométhée peut apporter le feu aux hommes, c’est parce qu’il le vole à la forge d’Héphaïstos. Il est impossible qu’il les aime sans pécher contre la loi des dieux. Ce vol est une métaphore qui exprime que le don du feu est imprévisible : il descend du ciel au moment précis où tout espoir de vie semble perdu pour les hommes. Le sauveur a dû jouer d’astuce : il a dérobé le feu en l’absence d’Héphaïstos et l’a caché dans la tige d’une férule puis, pendant la nuit, il s’est approché des mortels comme un voleur, dieu déguisé en homme.

   Il est facile d’imaginer la stupéfaction des mortels à l’apparition du feu qui, pour la première fois, perce les ténèbres de la terre. Personne ne peut dire qui est celui qui l’a apporté, mais on voit bien que l’inconnu vient du ciel. Alors, l’homme prend conscience de sa capacité créatrice, il découvre la première énergie de la nature, d’où il fera sortir l’art et l’industrie. Jusqu’ici, il se nourrissait des fruits de la terre sans pouvoir les faire cuire ; il s’habillait de feuilles parce qu’il ignorait le tissage ; il ne cultivait pas la terre, il ne s’abritait pas dans des maisons ; il ne savait se défendre ni contre les bêtes féroces, ni contre les éléments de la nature ; il ne pouvait pas dissiper les ténèbres des nuits profondes : il était destiné à la mort. Désormais le feu le délivre de cette mort, car c’est le feu qui lui ouvre les portes du futur et le fait roi de la nature dont il était l’esclave.
   Certes Zeus est, par sa foudre, le roi des dieux, et peut, de sa flèche enflammée abattre les montagnes, creuser des abîmes, déplacer le cours des fleuves, briser les nuées, dessécher la mer, arrêter la pluie, mais l’homme peut aussi parvenir maintenant à transformer la nature selon sa volonté et ses besoins, descendre dans les abîmes, atteindre les hauteurs inaccessibles : il est en marche. Les individus continuent de mourir, mais l’humanité songe à l’immortalité. Prométhée n’ignore pas que les hommes ne seront jamais des dieux, que leur désir d’immortalité reste un espoir sans lendemain. Mais l’homme est pourtant sauvé par l’immortalité de sa race, et parce qu’il atteint, par le feu, la puissance divine de l’art.
   Sans doute y a-t-il une limite dans ce que Prométhée donne aux hommes, car s’il a volé le feu de la forge, il n’a pas touché à celui de la foudre de Zeus, ni atteint le souffle de sa vie. L’homme se renouvelle et s’immortalise par l’art, mais pas par la toute-puissance créatrice de la nature divine. Cela, il ne peut que l’attendre de Zeus lui-même, lorsque celui-ci décidera de recréer la race humaine par l’apport de sa postérité.



c 1960




Retour à l’accueil Une loi injuste Haut de page Le feu de Yahvé

t910410 : 25/01/2021