« INTRODUCTION »
Méthodologie
Dans cette première partie,
Étienne Trocmé affirme que la difficulté que rencontrent les historiens devant les évangiles (documents de foi et d’Église) bien que «
considérable » est «
un problème technique ». Pourtant d’autres intervenants soutiennent, contrairement à lui, que ces évangiles ne sont pas des «
biographies » au sens habituel du mot, c’est à dire plus ou moins partisanes, mais des documents littéraires d’un autre type, écrits «
dans un but autre qu’historique » selon l’expression de
Daniel Schwarz. Il ne s’agit pas pour autant de pures fictions puisque, malgré tout,
Trocmé maintient qu’il est possible d’en tirer une certaine connaissance de l’histoire réelle de
Jésus.
Mordillat lui-même a précisé qu’il rejetait notamment un
a priori : «
le soupçon de préméditation, c’est à dire le préjugé supposant que ces textes, aussi divers soient- ils, ont été écrits ou réécrits dans le but de tromper les lecteurs, de les attirer vers l’Église, comme l’ont défendu les historiens "rationalistes" » (Introduction aux 5 livrets, citée le 25/3/97 par
L’Humanité et
Le Figaro). Et l’analyse publiée par
Tribune juive est plus précisément que
Corpus Christi a pour but d’établir «
une connaissance rationnelle de Jésus comme personnage historique, en dépassant le double écueil d’une critique radicale de Évangiles qui leur refuse a priori
le moindre indice de vérité (acte positiviste) et de l’attitude inverse qui consiste à le prendre au pied de la lettre (acte de foi) » (
Jacques Mandelbaum, 20/3/97).
Comme l’explique
Lemonon, «
en prenant au sérieux le texte évangélique, Jésus est rendu à son histoire, et donc à son humanité... C’est aussi se demander comment on est passé de Jésus au Christ, sans abandonner le premier terme » (
La Croix, 12/4/97).
Tout en affirmant qu’«
on devrait en principe pouvoir y arriver »,
Trocmé n’indique pourtant pas lui-même comment procéder à cette reconstitution de l’histoire de
Jésus (ou du
Jésus de l’Histoire, comme on voudra) dans son humanité. Mais grâce aux autres intervenants, on voit apparaître les diverses démarches qui pourront y contribuer : d’abord le doute, qui peut
a priori porter sur tout (même la question de l’existence historique de
Jésus nécessite une étude rationnelle)
(1); ensuite la connaissance du contexte historique et archéologique, ainsi que d’événements comparables dans des contextes proches ; l’argument que les chrétiens « n’auraient pas inventé cela » parce qu’ils n’y avaient pas intérêt ; le contre-témoignage de
Celse, à travers les fragments transmis par
Origène ; la comparaison entre les évangiles, et avec l’Ancien Testament ; enfin, bien sûr, la critique interne très détaillée, philologique et linguistique, de chaque texte.
Le sujet («
Jésus a-t-il été crucifié ? comment ? et par qui ? ») a été très bien choisi : ni trop évident (les « vérités » traditionnelles en prennent un coup !) ni trop polémique puisque tous les spécialistes invités, qu’ils soient catholiques, protestants ou juifs, sont d’accord sur l’essentiel.
(2)
En bref, cette première partie est une excellente introduction.
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(1) « Rien ne va de soi, chaque mot est un piège, il faut tout reprendre à zéro » (Rémond).
(2) « On devine, sous les contradictions savamment civilisées par le montage, de féroces affrontements, de mortelles controverses » remarque Schneidermann (Le Monde, 31/3/97). Mais l’essentiel est que Jésus a bien été crucifié, et par des Romains.