POURQUOI MAINTENANT ?
Les plus grands spécialistes catholiques ont accepté un projet de diffusion de leur savoir, et y ont même activement participé. Et ceci, non comme prêcheurs de vérités, mais en véritables scientifiques qui reconnaissent la valeur du travail de leurs pairs (protestants, juifs, athées ou agnostiques), indépendamment de leur appartenance religieuse et même quand ils n’étaient pas d’accord avec eux : «
Il fallait s’assurer que, pour chaque thème abordé, les points de vue seraient variés, afin que le téléspectateur puisse se faire lui-même une idée de l’état des recherches » (
Lemonon,
La Croix, 12/4/97). Certes, la «
variété » n’est pas allée jusqu’à inclure les thèses de
Tresmontant ou de
Carmignac ; celles-ci n’ont pas été évoquées, même comme «
toutes très fragiles et sans force convaincante » aux yeux des experts
(1), encore moins contredites publiquement dans
Corpus Christi, pas plus que dans la presse. Néanmoins cette volonté de pluralisme me semble constituer la fondamentale nouveauté de
Corpus Christi.
La question qui se pose est donc : pourquoi maintenant ? Outre qu’il fallait sans doute une occasion, et des hommes de valeur comme
Mordillat et
Prieur pour la concrétiser, voici une piste pour les historiens : c’est seulement sous le Pape
Léon XIII que «
autorisation a été enfin accordée à des chercheurs [catholiques]
de travailler sur les textes [bibliques] » (
Mordillat,
L’Humanité, 25/3/97) et c’est petit à petit que ces chercheurs catholiques ont acquis une compétence reconnue par la communauté scientifique. Cela leur procure depuis peu une assez grande autonomie vis à vis de leur Église, et même une certaine influence sur son évolution, notamment en ce qui concerne la critique de l’antisémitisme chrétien.
De plus, le contexte culturel global a dû changer, puisque les chercheurs protestants, eux aussi, osent soutenir publiquement des hypothèses qu’ils auraient trouvées risquées il y a à peine dix ans.
Ainsi a pu être produite cette œuvre cinématographique exceptionnelle, et se produire – grâce à sa diffusion télévisée à une heure de grande écoute – un événement majeur... au moins dans la culture française, marquée par la religion catholique d’une part, et la morale laïque d’autre part.
J’espère que les parties suivantes de
Corpus Christi continueront dans cette voie, et donneront encore davantage la parole aux « francs-tireurs » qui «
travaillent hors des institutions religieuses » et qui, tel
Ennio Floris, apportent sur les évangiles un regard neuf, une conscience éclairée et libre.
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(1) C’est ainsi que dans la première partie Trocmé qualifie les thèses qui contredisent l’existence historique de Jésus. Il admet donc au moins qu’elles existent même si, hélas, il ne nomme pas leurs auteurs et s’arrête là : « Je n’entre pas dans les détails » (Crucifixion).