ÉVÉNEMENTS ET INTERPRÉTATIONS
« Analyse référentielle des récits »
et « données primitives »
Pour les mêmes raisons qui me font apprécier le
Sidereus Nuncius et
Corpus Christi, je suis profondément heureux qu’
Ennio Floris ait pu s’exprimer avec ses mots et sa force de conviction, dans la cinquième partie. Même si c’est une des interventions les plus brèves de toute la série, elle a été remarquablement bien choisie, synthétisant en 2 mn 35, sans complaisance ni provocation, l’essentiel de
sa méthode : trouver dans les incohérences de la narration évangélique – qu’il nomme « apories » – des marques d’un texte enfoui, texte étant celui d’un
Jésus non marqué par la foi des compositeurs des évangiles. Ainsi l’émission fait connaître à un large public l’existence de son inestimable travail.
Son approche des évangiles constitue très exactement cet «
effort objectif, attaché tant à reconstituer la réalité des faits qu’à rendre compte des raisons, elles-mêmes historiques, ayant poussé les rédacteurs évangéliques à s’éloigner pour une part des données primitives », tel que le souhaite
Blanchard dans son commentaire de
Corpus Christi. Il me semble que
Floris lui-même n’aurait pu mieux résumer sa recherche...
... du moins si cet effort d’objectivité est mené jusqu’au bout de manière cohérente. Dans son article,
Blanchard ne précise pas l’idée qu’il se fait des «
données primitives » des évangélistes – les « sources » dont ceux-ci se sont à la fois servis et éloignés. Or, par rapport à la «
réalité des faits » à reconstituer, il s’agissait soit de récits « bruts », soit d’interprétations religieuses. Pour être pleinement cohérent avec son exigence méthodologique, l’«
effort objectif » souhaité doit d’abord s’attacher à déterminer la nature de ces «
données primitives » puis, si ce ne sont pas des récits « bruts », les reconstituer (avant même de tenter la reconstitution des faits), enfin rendre compte des raisons ayant poussé les compositeurs des évangiles à les utiliser et à s’en éloigner. C’est pour remplir cet objectif ambitieux que
Floris a mis au point sa «
méthode d’analyse référentielle des récits ».
Il parvient ainsi à caractériser ce que
Blanchard appelle le «
genre littéraire " évangile " » et, d’une manière générale, à proposer un «
statut linguistique » des textes qui s’auto-désignent comme «
Parole de Dieu », c’est à dire les livres sacrés de chaque religion : les Védas, la Thora, les Évangiles, le Coran, etc. (
Sous le Christ, Jésus, Flammarion, 1987, pp. 248-271). J’aurais donc souhaité que
Floris puisse s’exprimer aussi dans la quatrième partie, quand sont posées ces questions qui sont l’axe même de sa recherche : «
Quelle sorte de littérature est celle des évangélistes ? Comment écrivent-ils leurs textes ? à partir de quelles sources ? Comment traitent-ils l’Histoire ? ».
Le documentaire aurait ainsi répondu à une des critiques de
Thibaud, car celui-ci conteste, à juste titre me semble-t-il, «
qu’une expression religieuse [soit]
élucidée quand on connaît les quelques faits qui lui servent de support ».