INTRODUCTION

Les choix

    Il était donc habile dans Corpus Christi de laisser les exégètes « officiels » des Églises présenter eux-mêmes – avec beaucoup de prudence pour ne pas choquer des téléspectateurs croyants – une bonne partie des problèmes posés par les textes, et le très petit nombre de solutions incontestables qu’ils y ont apportées (1). Et ceci en compagnie de spécialistes juifs, ce qui est en soi une grande première – même si cela se justifiait aussi pour faire une critique crédible de l’antisémitisme – et de quelques « francs-tireurs qui travaillent hors des institutions religieuses », tels Hyam Maccoby et Ennio Floris. (2)

    De même, il était tentant de laisser ces exégètes « officiels » se « dépêtrer » avec les connotations anti- juives de l’Évangile de Jean, puisque l’antisémitisme de la tradition chrétienne, devenu évident et inacceptable depuis la Shoah, poussait la plupart d’entre eux à prendre des distances vis à vis de la « vérité » des textes. Ainsi, par exemple, Fitzmyer reconnaît sans équivoque une « évolution » progressive de Marc à Matthieu, puis à Luc et enfin Jean.
    Jean-Paul II a lui-même déclaré, le 11 avril 1997 : « Je n’entends pas ignorer que le Nouveau Testament conserve des traces des tensions qui existaient entre la communauté chrétienne primitive et quelques groupes de juifs non-chrétiens ». Et l’exégète catholique Simon Legasse d’enchaîner : « Cette remarque, à laquelle on pourrait en ajouter bien d’autres, oblige la théologie [sic] à un réflexion approfondie sur le statut des Écritures » (La Croix, 12/4/97). (3)

    Examinons cependant certaines conséquences de ces choix.

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(1) « On devine, sous les contradictions savamment civilisées par le montage, de féroces affrontements, de mortelles contro­verses » remarque Schneidermann (Le Monde, 31/3/97).

(2) Voici les noms des chercheurs qui interviennent dans Corpus Christi (je les désignerai dorénavant par leur patro­nyme). Entre parenthèses figure le nombre de parties dans lesquelles ils ont la parole, sauf pour Junod, que je n’ai repéré dans aucune (pour plus de détails, voir leur Bio-bibliogaphie dans les livrets Corpus Christi) :
AMPHOUX Christian-Bernard (3), BAR-ASHER Moshé (3), BOISMARD Émile (4), CULPEPPER Allan (3), FITZMYER Joseph (4), FLORIS Ennio (1; 5° partie, 2’35’’), FREYNE Sean (1; 2° partie, 2’10’’), GEOLTRAIN Pierre (5), GRAPPE Christian (3), GRELOT Pierre (4), HENGEL Martin (4), JUNOD Éric (?), LEMONON Jean-Pierre (5), LOWE Malcolm (1; 4° partie), MACCOBY Hyam (5), MARGUERAT Daniel (2), NEYRYNCK Frans (2), NODET Étienne (4), NORELLI Enrico (3), PERROT Charles (5), PUECH Émile (3), SCHWARZ Daniel (5), SEVRIN Jean-Marie (1; 3° partie), STROUMSA Guy (1, 1° partie, 1’20’’), THEISSEN Gerd (4), TROCMÉ Étienne (5), ZIAS Joe (1; 1° partie, 1’30’’).

(3) Cependant, on notera qu’aux yeux du pape il n’existe pas de « communauté juive » (à l’époque des évangélistes, en tout cas). Le mot « communauté » reste réservé au christianisme, tandis que les juifs non convertis ne forment que « quelques groupes ». On peut se demander pourquoi la « communauté chrétienne » leur a accordé une importance si grande que le Nouveau Testament – son texte fondateur – en « conserve des traces » !