ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Pierre Curie
Le roman inachevé d’un utopiste
Éveils de conscience :
découverte des deux Karl
Sommaire
Prologue
Introduction
Colonialisme
et monde ouvrier
La foi
chrétienne
Les deux Karl
-
Karl
Marx
-
Karl Barth
-
Oppositions
et
convergences
Mémoire
d’utopie
Clermont-l’Hérault
Saint-Quentin
Bruay-en-Artois
Tourcoing
La crise
Épilogue
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Karl Barth
Si
Karl Marx m’était resté inconnu jusqu’à mon arrivée à
Paris en 1946,
l’autre Karl avait depuis quelques temps déjà commencé à structurer ma « foi ». Dès 1944, en effet, au cours de camps de jeunes adultes organisés par le Conseil protestant de la jeunesse de
Tunisie (dont j’étais le secrétaire général et mon ami,
Roger Randegger, le président), quelques disciples et amis de
Karl Barth, tels
Georges Casalis et
Robert Bonnal, étaient venus nous initier à la pensée barthienne. Pour les néophytes que nous étions, quelle découverte et quelle nourriture indigeste !
À la Faculté de théologie de
Paris, quelques années plus tard, l’autorité et la fermeté intellectuelles du pasteur
Pierre Maury, ami de
Karl Barth, devaient me rendre cette pensée plus accessible et me familiariser avec sa dialectique, au point qu’elle allait devenir pour de nombreuses années l’assise de ma foi et de mon engagement dans le monde.
Karl Marx, l’athée, et
Karl Barth, le chrétien… Était-ce une cohabitation contre nature, ou certaines convergences que j’avais découvertes entre
ces deux hommes m’autorisaient-elles à
les laisser, l’un et l’autre, influencer ma pensée et orienter mon action ?
Karl Barth fut sans complaisance à l’égard du marxisme. Il suffit de relire sa
Lettre à un pasteur en République Démocratique Allemande
d’août 1948. Mais
il s’est toujours refusé à assimiler le communisme au nazisme, comme beaucoup auraient aimé
qu’il le fît, et peut-être parce que le vent dominant de la presse politique et religieuse était alors à l’anticommunisme. Mais surtout, pour
lui, le communisme athée ne revêtait pas le caractère de corruption radicale de la foi qu’avaient été la doctrine et la politique du nazisme.
Il écrivait, par exemple : «
Assurément, je préfère ne pas vivre dans le monde du communisme, et ne souhaite pas non plus qu’un autre soit obligé de le faire. Mais je comprends difficilement pourquoi soit la politique soit le christianisme exigeraient ou même permettraient que ce refus aboutisse aux conséquences tirées par l’Occident avec une véhémence croissante pendant les quinze dernières années. J’estime que l’anticommunisme est en principe un plus grand mal que le communisme lui-même
». Dans une conférence, il déclara d’ailleurs que «
l’Église est entre
l’Est et
l’Ouest
».
Cette attitude de
Karl Barth envers le marxisme ne pouvait-elle m’autoriser, sinon à l’approuver dans son intégralité, du moins à considérer avec attention ses analyses et à en retenir certaines ?
1992
tc402320 : 13/07/2019