ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Pierre Curie
Au risque de croire
Église en dialogue avec le monde :
une quête du Christ dans le monde
Sommaire
Préface
Quittez
un monde bon
Vivre
la foi dans le siècle
Présence
de l’Église au monde
Église en dialogue avec le monde
-
Introduction
-
Quête du Christ
.
Dialogue Église-monde
-
Catholicisme
-
Piétisme
-
Orthodoxie
protestante
.
Le monde,
lieu de
souveraineté de Dieu
-
Dialoguer
aujourd’hui
-
Parole
et image
Itinérance
: une quête du sens
Croire
au-delà des perplexités
En écoutant
l’
Alléluiah
d’Hændel
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
Le dialogue Église-monde dans les théologies classiques :
le piétisme
«
Pour le piétisme, le monde c’est le mal, et la vie chrétienne consiste en une séparation du monde, une retraite dans la sainteté à l’égard du monde. Rendre témoignage, c’est d’abord exhorter les hommes à cette rupture, à cette évasion loin du monde et de ses périls
» écrivait le
pasteur Philippe Maury
(1)
.
Pour le piétisme, les seules relations possibles de l’Église avec le monde se manifesteront dans des incursions dans le monde afin « d’annoncer
le Christ », et si possible en sauver quelques-uns. Selon l’expression d’un pasteur baptiste français, l’Église est une « parenthèse » dans le monde.
«
On pense
– a dit
le professeur H.R. Weber –
aux raids indiens qui font une rapide incursion en terrain ennemi et qui ne rapportent que des scalps. Lorsque l’Église, dans cet état, fait une incursion dans le monde, elle ne ramène pas des hommes entiers, mais le seul secteur religieux de la vie des hommes
».
Une anecdote significative a été rapportée par le
pasteur Paul Musselmann, directeur du Département de l’évangélisation au Conseil national des Églises du
Christ aux
États-Unis : «
Chaque soir dans
Broadway, une large et sombre Rolls Royce s’arrête à la hauteur de la 45ème rue. En bondissent deux petites dames armées de Bibles et de tracts : « Le méchant périra ». Elles se placent au coin de la rue et interpellent les multitudes de pécheurs qui circulent, ceci parfois jusqu’à trois heures du matin. Puis leur chauffeur les prend dans la Rolls et les emmène vers le chic quartier de
West-Chester
».
Au niveau des moyens utilisés, la tentation est grande, pour conditionner le choix des hommes, de se servir de la propagande dans les « campagnes d’évangélisation » : on recherche l’acquiescement ou la démission de l’autre ; la conversion de prosélytes témoigne alors de l’efficacité de la « campagne ».
Par exemple, dans les campagnes de
Billy Graham, un écran est toujours établi entre le propagandiste (l’évangéliste) et le propagandé (l’auditeur). Les moyens de communication de masse sont largement utilisés, ainsi qu’un apparat et une mise en scène (moments de silence minutieusement étudiés, effets psychologiques dans la présentation graduée des orateurs et prédicateurs jusqu’à l’apparition du « ténor » – analogie de la révélation du
dieu – mouvements d’entraînement par les chants, banc des pénitents, rideau derrière lesquels se tiennent les « conseillers » – analogie du mystère de « l’initiation divine » ou du voile séparant du saint des saints, etc. L’auditeur, l’homme du monde, est ainsi progressivement mis en état d’infériorité, dépossédé de lui-même, englué dans une mauvaise conscience, dans une culpabilité qui, seule, devra lui ouvrir le chemin d’une « justification » et du « salut ».
L’Église devient secte et ghetto religieux. Cependant, la conception piétiste des relations entre l’Église et le monde comporte une ambiguïté fondamentale. En effet, la logique de cette attitude exigerait une séparation totale de l’Église et du monde, et l’organisation d’une société parallèle à celle du monde. Néanmoins les croyants doivent subvenir à l’entretien de leur vie, ils sont contraints de travailler, d’avoir un métier ou une profession, dans le monde. Se tenant sur la défensive et cependant contraints à une certaine participation, ils vivent dans un état de crispation ; souvent, ils adoptent les attitudes conformistes de la civilisation occidentale, individualiste et bourgeoise, en matière d’éthique familiale, sexuelle, sociale ou politique.
Plus encore que le catholicisme, la conception piétiste des relations de l’Église et du monde évacue le terme « monde » et débouche sur une impasse.
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(1)
Philippe Maury,
Évangélisation et politique
, Éditions Labor et Fides, 1957.
juin 1971
tc521120 : 05/12/2019