ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
De l’Évangile aux évangiles |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile De l’Évangile aux évangiles - De la catéchèse au récit - Nécessité d’un texte - Témoignage et document - L’Église et l’anti évangile Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
« Il m’a semblé bon, à moi aussi, de l’exposer par écrit » (Lc 1:1) Ainsi Luc, indirectement, confirme que ses prédécesseurs aussi avaient rédigé leur discours. Ce passage de la parole à l’écrit n’avait pas été occasionnel, mais il correspondait aux exigences du tournant historique de l’Église. Le propre du discours oral est d’impliquer la présence simultanée de celui qui parle et de celui qui écoute, qui, dans l’alternance du discours, devient à son tour locuteur. Si les deux partenaires s’absentent ou se taisent, la parole aussi, dont le signifiant était le verbe, s’évanouit ; dès lors la parole est aussi signifiante que communicante, aussi syntagmatique qu’existentielle. À l’opposé de la parole, l’écriture comporte l’absence aussi bien du locuteur que de l’auditeur. Le signe graphique se substitue au verbe, dans le but précisément de garder la signification de la parole. Celle-ci cependant ne retombe pas dans le néant, mais elle meurt, entrant dans le silence du signe comme dans un tombeau. Le discours devient texte, mais n’étant pas anéantie la parole tend à sortir de son tombeau, appelant l’homme pour apparaître dans une relation d’existence et se revêtir à nouveau du verbe. En ne la considérant que dans sa fonction apparente, on serait porté à considérer l’écriture comme tout à fait négative face à la parole, mais il convient d’en avoir une approche dialectique, car si elle entraîne la mort de la parole au sens du verbe, c’est pour la sauver de l’anéantissement auquel elle est condamnée dans le processus du discours parlé. En effet, celui-ci n’existant que dans l’instance du dire, la parole dite n’est plus, disparaissant dans le néant. Or l’écriture intervient pour empêcher cet anéantissement, afin de garder la parole dite et de la rendre apte à réapparaître dans une instance à venir du discours. L’écriture implique donc un événement tragique au niveau du temps : elle tue le temps réel, présent dévorateur du passé et du futur. Par cette mort, elle donne au passé et au futur la possibilité d’exister comme tels dans l’espace tridimensionnel du temps. Du temps réel on passe au temps abstrait, de l’histoire (comme cours des choses, Geschichte) à l’historiographie, narration de l’histoire. Le locuteur renonce au présent et s’éclipse dans le silence du passé, ne se liant plus aux auditeurs présents mais aux lecteurs possibles des temps à venir de la résurrection de la parole. La volonté d’écrire implique aussi dans l’Église un bouleversement de la conscience du temps. Rappelons qu’elle ne vivait que dans un présent qui était dernier : l’eschatos. Instant qui reniait le passé et dont la réalité n’était que l’attente du futur, instant vide, pure représentation de ce qui n’était pas encore. Malheur si ce futur venait à s’accomplir, il aurait détruit le temps. Ne détenant pas d’événement, l’Église n’était alors qu’une communauté de parole qui, pour durer, ne pouvait que se redire elle-même, répétition dont la substance était le verbe. D’où la crise qui surgit de la prise de conscience de son vide. En voyant dans la destruction du temple le signe de la venue du Christ, l’Église interpréta l’eschatos comme un événement dans le temps. Au lieu de se détruire le temps s’étala en trois dimensions : il y avait un passé et il y aurait un futur. Le présent devint praxis, vie qui n’était plus attente, mise entre parenthèses, mais qui se produisait elle-même dans un processus de devenir. Son événement transcendait son propre dire (le dire des hommes de la génération alors présente) en-deçà et au-delà du verbe, il comprenait et la parole qui se disait et celle qui était dite ou encore à dire. Il fallait passer du discours oral au discours écrit. En raison de sa transcendance historique, la parole avait besoin d’exister par-delà la locution des hommes, elle devait se prononcer par elle-même, au moyen de signes que le flux du temps ne pourrait pas emporter. L’écriture surgit d’une exigence de vie et d’une volonté de puissance. L’Église s’arracha à l’extinction qui aurait été inévitable si elle était demeurée secte de mystère. Mais, pour vivre dans une existence historique, elle devait devenir mondaine, il lui fallait s’approprier l’histoire. Être céleste, son Christ devint personnage concret, agissant pour un royaume qui était dans le monde. Par la destruction du temple il marqua son entrée dans l’histoire, prétendant aussi bien à l’héritage davidique qu’à celui des Césars. On devait donc écrire les exploits de ce nouveau seigneur du monde, mais aussi les événements qui l’avaient accrédité comme tel face à l’histoire. La prédication de l’Évangile devenait narration, histoire. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg06200 : 13/03/2021 |