ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
De l’Évangile aux évangiles |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile De l’Évangile aux évangiles - De la catéchèse au récit - Nécessité d’un texte - Témoignage et document - L’Église et l’anti évangile Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Une première interrogation se pose concernant le passage du discours de prédication de l’Église à une entreprise d’écriture. L’auteur du prologue fait allusion à ses prédécesseurs, dont il entend poursuivre la tâche. En écrivant leurs évangiles, ceux-ci se seraient proposé d’ordonner en récit, selon leur développement, les événements qui s’étaient passés à l’origine et qui avaient été transmis par les ministres de la parole. Cette affirmation confirme plusieurs conclusions auxquelles nous avons abouti dans notre recherche.
Si le discours primitif se laissait comprendre comme catéchèse, le nouveau se définissait comme « récit », diégèse. Celui-ci exigeait d’abord un nouvel ordonnancement des matériaux, qui ne devaient plus être assemblés selon une raison d’utilité, qui appartient au sujet, mais selon leur ordre interne, qui est à la chose. La diégèse était donc un discours dans lequel l’ordonnancement de la parole était l’ordre de la chose, un discours donc qui n’était plus tourné vers l’extérieur et régi par une fonction rhétorique de persuasion, mais dirigé vers l’intérieur de lui-même, dans le but exclusif de signification et de représentation. Ce qui primait en ce discours, ce n’était pas la personne à laquelle il était adressé, mais l’objet dont il était porteur. Or cet objet ce sont les « pragmata », c’est-à-dire les « faits qui se sont accomplis parmi nous » (Lc 1:1). On portera avant tout l’attention sur le mot « pragmata ». L’intention de ce nouveau discours n’était pas de rapporter, comme auparavant, des chapitres de doctrine, mais ce qui s’était passé et dont les écrivains et les destinataires eux-mêmes étaient des spectateurs concernés. Mais puisque l’ordre des faits est leur succession dans le temps, le discours aussi, par son inhérence à la chose, devait s’articuler selon cet ordre. Autrement dit, il devait être un récit représentatif du processus des faits – un récit historique. Le passage de la catéchèse à la diégèse impliquait donc l’insertion de l’Église dans une perspective historique. Le texte semble faire allusion à ce tournant décisif par le mot « arké », (origine). Dans son champ sémantique, celui-ci s’oppose à « fin » (telos). On obtient donc une dichotomie, qui recouvre la tension et la distance existant dans le passage de la catéchèse à la diégèse. C’était là un renversement dans la conception du monde et dans l’approche du réel. Auparavant les croyants avaient les yeux tournés vers l’aboutissement espéré, la fin (telos) de ce qui se passait parmi eux, ils ne pouvaient être intéressés par le passé que dans la mesure où celui-ci était préfiguration de la réalité future, le souvenir était donc une anamnèse, une célébration du passé comme étant accompli dans le futur. Quant au présent, ils en prenaient conscience comme d’un passage, dans le cadre d’un exode qui devait les mener à l’événement futur – le telos, l’esckaton. Dans la nouvelle perspective, le regard se trouvait renversé: on ne visait plus l’eskaton mais l’arché, conçu moins comme fondement que comme commencement dans le temps – origine d’histoire. Dans le chapitre précédent, j’ai montré que ce renversement de la conscience fut l’aboutissement d’une expérience de crise, qui trouva sa solution dans les événements de la destruction de Jérusalem. Dans le prologue, nous ne trouvons pas de mention directe de ce fait, mais un mot nous permet de nous y référer : les faits dont le texte se fait le rapporteur – les pragmata – sont considérés comme « accomplis ». Cet accomplissement correspond en effet à la prise de conscience que l’Église eut de l’œuvre du salut après la destruction du temple. Auparavant cette même œuvre était considérée comme encore à accomplir ; elle ne pouvait pas être objet d’histoire puisque, n’étant pas parvenue à son accomplissement, elle n’avait pas encore de sens. Il y avait une distance, comme une rupture, entre l’origine et la fin. L’Église vivait dans cette rupture – parenthèse d’attente, de silence, abstraction du réel. Mais les faits s’étant accomplis, il y eut jonction de l’origine et de la fin, et donc formation d’un processus historique dans le cadre d’une nouvelle histoire. Le regard sur ces faits ne fut plus prophétique et liturgique, mais historiographique. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg06100 : 13/03/2021 |