Le recueil des miracles, des prodiges
et des signes
Au sujet du troisième recueil, nous sommes clairement renseignés par le discours de
Pierre rapporté par les
Actes : «
Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par des miracles (dunameis
), des prodiges (terasi) et des signes (semeiois
), qu’il a opérés par lui au milieu de vous » (
Ac 2:22).
Il s’agirait donc d’un recueil dont le contenu serait les actes de
Jésus. Les trois mots – miracles, prodiges et signes – ne désignent pas des actions différentes mais le caractère spécifique des mêmes actes, dans la mesure où ils auraient été étonnants et prodigieux, leur efficacité relevant de la puissance divine, et chargés d’une signification prophétique et messianique. Il apparaîtrait ainsi que
Jésus a effectivement opéré l’ensemble de ces prodiges, puisque le discours de
Pierre prend ses auditeurs à témoins par son affirmation «
comme vous le savez vous-même ».
Qu’on ne se méprenne pas, cependant, quant à l’authenticité historique de ce recueil car, si
Dieu avait effectivement rendu témoignage à
Jésus par ces actes, « l’indiquant », le manifestant comme
prophète et
Christ, pourquoi le
peuple et
les disciples eux-mêmes n’ont-ils pas cru ? Ces mêmes mots ne désignent-ils pas plutôt les actions de
Jésus telles qu’elles sont apparues après qu’on ait « su » qu’il était le
Christ ? Désignent-ils cet homme qu’était
Jésus, ou «
l’homme de
Dieu » que la foi en son messianisme obligeait à reconnaître en
lui ?
Le fait est que ce recueil a eu son origine, comme les autres, dans la foi en la résurrection de
Jésus, car se constituant en même temps que la christologie. Il s’agit d’une interprétation de
Jésus parallèle à l’interprétation des Écritures, dans le même but de connaître le
Christ. Ces miracles, prodiges et signes ne sont donc pas propres à
Jésus mais au
Christ ou, si l’on veut, reviennent à
Jésus dans la mesure où ils sont au
Christ. Le niveau de cette appartenance n’est pas le processus des faits mais celui de l’interprétation théologique des faits visant à la reconnaissance de
Jésus comme
Christ. Ils font alors partie d’une narration hagiographique (
voir plus loin) et non historiographique.
Dans toute civilisation religieuse existent des modèles types de «
l’homme de
Dieu » – l’homme qui devient instrument de l’action miraculeuse de
Dieu – qui sont des schémas à la fois gnoséologiques et pratiques, aptes à faire vivre selon l’idéal de
l’homme de
Dieu, ou à
le faire connaître et à
le représenter.
En ce qui concerne les
apôtres, ils trouvaient leur modèle dans les grands personnages bibliques, qui étaient censés être des « figures » du
Christ. En même temps
qu’ils puisaient dans les Écritures pour définir la christologie, ils se référaient à ces représentations pour encadrer, figurer et donner sens et dimension messianique aux actes de
Jésus. Leur discours sur le
Christ était, par une représentation correspondante de la personne christique de
Jésus, fait à l’image de ces grandes figures bibliques.
Cependant les mêmes prodiges se laissent classer dans le cadre de la division du triple pouvoir royal, prophétique et sacerdotal, ou selon l’efficacité de la puissance divine contre les forces adverses. En ce qui concerne cette dernière classification, on notera que
Jésus opère des prodiges pour prouver son autorité sur la tradition, ou pour dominer les forces de la nature, s’opposer au pouvoir des
démons, régler l’ordre de génération et de vie, résister aux causes du mal physique, vaincre la mort.
Ainsi
Jésus accomplit-il ce qu’il doit opérer selon le schéma préétabli de la personnalité christique des Écritures.