ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


L’écriture  des  évangiles




Refoulement et sublimation du Jésus de l’histoire :

La théologie paulinienne




Sommaire

Introduction

La foi en Jésus-Christ

Mort et résurrection

Refoulement et sublimation de Jésus
- La tradition apostolique
- Premiers textes sur
   Jésus
- La théologie
   paulinienne

- Refoulement du Jésus
   historique

Tournant historique de l’Église

Naissance de l’anti évangile

De l’Évangile aux évangiles

Structure de l’anti évangile

Structure des évangiles

Le Jésus de l’histoire

Genre littéraire et genre référentiel



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   Paul n’a pas connu personnellement Jésus. Toutefois, ayant été mandaté par le sanhédrin pour traduire les chrétiens en justice, il a été renseigné sur celui-ci au point d’avoir accès au dossier du procès. La conviction avec laquelle il s’engagea dans la poursuite et dans la dénonciation des accusés montre qu’il était convaincu de la justice de sa cause par une connaissance objective des faits.
   À première vue, il peut sembler étrange que l’objet de sa haine ait moins été les chrétiens que Jésus lui-même. C’est qu’il ne persécutait les chrétiens que parce qu’ils croyaient au messianisme de leur maître, or leur culpabilité retombait en dernière instance sur celui-ci puisque, selon les actes d’accusation, une telle croyance reposait sur sa prétention blasphématoire. Qu’un bâtard, qui avait ajouté à l’impureté de sa naissance la fréquentation honteuse des publicains et des prostituées, put se proclamer « fils du Père » avait à ses yeux le caractère d’un crime monstrueux. La mort sur la croix confirmait qu’il était un homme maudit.

   Paul conçoit le Christ comme un être spirituel et céleste, qui n’aurait pas pu exister dans une condition humaine et charnelle sans se renier lui-même. L’esprit et la chair étaient pour lui deux pôles opposés et irréductibles. Peut-être avait-il tiré cette image des écrits apocalyptiques : le Christ aurait dû venir du ciel à la fin des temps. Cette dualité lui avait donné une telle assurance dans la lutte contre les chrétiens que son âme ne fut pas traversée par le doute.
   Cela explique aussi que sa conversion fut précédée par une crise et fut subite et soudaine, comme un éclair en plein jour. Selon le récit qu’il en donne lui-même, il fut arrêté sur le chemin de Jérusalem à Damas par l’éclat d’une lumière foudroyante et aveuglante « qui venait du ciel » (Ac 9:3). Ce fut un phénomène physique qui était sans doute extérieur à sa conscience, mais qui le frappa par l’interprétation qu’il lui donna : en raison du caractère exceptionnel de cette lumière et surtout de l’effet d’aveuglement, il ne pouvait pas ne pas l’interpréter comme signe. Or, selon la sémantique symbolique, l’éclat de lumière trouvait sa signification dans l’apparition divine. Paul y perçut la marque de l’apparition du Christ lui-même et, dans la mesure où elle l’aveugla au moment même où il persécutait les chrétiens, sa certitude au sujet de leur erreur s’effondra : le Christ ne pouvait être que ce Jésus qu’il persécutait.

   Le chemin de Paul fut bien différent de celui des autres apôtres. En effet, aussitôt qu’ils surent par le signe du tombeau vide qu’il était le Christ, ils s’apprêtèrent à un processus d’interprétation de sa vie. Tout ce qui, dans la vie de Jésus, leur apparaissait comme honteux et indigne du Christ fut considéré comme une énigme qu’ils cherchèrent à comprendre à la lumière de leur foi : toute indignité n’était qu’apparente et provenait de leur propre ignorance, d’où la nécessité de revenir en arrière pour découvrir le Christ qui se cachait derrière la visibilité humaine de Jésus.
   Chez Paul, au contraire, aucun souci de correction ni de censure : Jésus lui apparut Christ tout en demeurant dans la condition d’homme charnel, Jésus s’identifiait au Christ en le reniant en lui-même dans son être divin. Union dialectique, qui comprenait un événement tragique dans le divin : Jésus était le Christ par la mort du Christ à sa condition de dieu. Paul n’eut pas besoin d’ôter à Jésus les motifs du scandale, puisque son élévation en Christ fut précisément un scandale. Moins qu’une manifestation du Christ, Jésus en était le mystère, l’éclipse, il ne révélait de lui que l’anéantissement. Sa vie comprenait la période de la Kénose, de la mort du Christ ; elle en devenait le tombeau.
   C’est pourquoi Paul ne porte son attention que sur la mort de Jésus. C’est en effet par celle-ci que sa vie prend sens, dans la mesure où elle donne au Christ la possibilité de reprendre son corps céleste pour vivre à nouveau en forme de dieu. Les actions et les épisodes dont les apôtres firent des objets de recherche et d’interprétation restent chez Paul dans le silence, sa distance vis-à-vis de Jésus – le Christ selon la chair – devenant si radicale qu’elle constitue un principe d’éthique théologique. « Nous ne connaissons plus désormais personne selon la chair. Même si nous avons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus ainsi à présent » (2 Co 5:16). Pourquoi en effet revenir sur une vie qui n’avait de valeur que dans sa mort ? Pourquoi chercher à dépouiller Jésus de sa chair pour y découvrir un Christ glorieux, alors qu’il portait le Christ dans son anéantissement et par tout ce qui reniait sa gloire ? Y avait-il un intérêt à se souvenir du Christ selon la chair, alors qu’il ne fallait se souvenir que de sa mort, qui nous permettait de nous mettre en communication avec le Christ ?
   Mystère du Christ, Jésus selon la chair ne pouvait être commémoré que dans les sacrements.



c 1980




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tg03300 : 27/02/2021