ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
De l’Évangile aux évangiles |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile De l’Évangile aux évangiles - De la catéchèse au récit - Nécessité d’un texte - Témoignage et document - L’Église et l’anti évangile Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Le prologue de Luc ne fait pas directement mention d’une éventuelle rencontre avec l’anti évangile. La recherche des sources se serait déroulée sans empêchements et poursuivie scrupuleusement et rigoureusement. Mais le but qu’il assigne à son entreprise d’écriture trahit notre attente, car il se propose d’exposer par écrit le cours des événements afin que son destinataire « reconnaisse la certitude » de tout ce dont il a été « instruit ». Ce but surprend car il ne reste pas dans les limites imposées par la diégèse, mais les déborde par une visée apologétique qui lui demeure extérieure. De plus, si l’on analyse le texte, on découvre qu’il présuppose une situation de crise, causée par une atteinte portée au fondement de la catéchèse. Une attention toute particulière doit être portée au mot « certitude » (asfaleia), dont la signification se détermine dans le cadre d’une opposition dialectique de négation de la négation. Il dérive du mot sfallo, qui signifie faire tomber, faire glisser, induire en erreur. Asfaleia est la privation (exprimée par « a ») de l’effet produit par ce verbe : fermeté, sécurité, certitude, en ce qu’on a évité de se laisser renverser, tomber, dévier, glisser. Mais si le négatif présupposait une action, sa privation aussi ne pouvait être qu’effet d’une réaction à celle-ci, désignée par le verbe opposé à sfallo : asfalizo. Il ne faudrait pas en demander davantage à Luc pour reconnaître dans ces deux verbes qui s’opposent dans le silence du texte le heurt et le conflit entre le judaïsme et le christianisme, l’anti évangile et l’évangile qui s’y opposa. Mais avant de s’engager dans la lutte, l’Église dût subir un choc profond, car il s’agissait d’accusations qui portaient atteinte au fondement de la catéchèse, menaçant la foi elle-même. Par leur foi en la résurrection, les chrétiens étaient semblables aux âmes de l’Adès, qui s’abreuvent à la source du Léthé pour vivre dans l’oubli. Ils devaient à tout prix oublier le Jésus de la Galilée pour porter leur regard sur le Christ de la gloire, mais voilà qu’ils étaient maintenant forcés de se souvenir. Étrange situation que la leur, puisqu’on leur rappelait des faits qu’ils n’étaient pas en mesure de reconnaître et qui les ébranlaient jusqu’au scandale. Ils étaient poussés à pénétrer au-delà du seuil de l’anamnèse, dans la zone de la mémoire interdite, le danger ne venait pas seulement du dehors mais du dedans d’eux-mêmes. Si Jésus était sorti du tombeau comme ressuscité, il surgissait maintenant de leur inconscient comme un antéchrist, apparaissant dans sa chair d’homme pécheur et condamné. Le doute s’empara d’eux, suivi par la peur et l’angoisse. Nous retrouvons ce doute en d’autres endroits, surtout dans les récits de la résurrection. Les disciples et Thomas doutent, puisqu’ils ne parviennent pas à reconnaître que celui qui leur apparaît est vraiment Jésus. Mais cette motivation est parabolique, et l’on comprend mieux la portée du doute si on renverse le rapport : ils ne peuvent pas appliquer à la personne de Jésus ce Christ glorieux qui s’offre à eux au cours de l’interprétation des Écritures : antithèse entre la chair et l’esprit, la faiblesse et la force, le vaincu et le vainqueur. Même si la conscience pieuse de l’Église trembla, son intelligentsia, consciente du tournant historique, fut à la hauteur de la situation. Elle comprit d’où venait l’anti évangile et, loin de s’égarer, eut l’intuition qu’il lui servirait de carrière pour son nouvel édifice. Semblables aux bâtisseurs de la Renaissance, qui rivalisèrent avec les architectes de l’empire en construisant des palais avec les pierres tirées de la démolition des bâtiments antiques, les dirigeants de l’Église s’apprêtèrent à déconstruire l’anti évangile pour obtenir les informations qui leur permettraient de passer du témoignage au document, de la catéchèse à la diégèse. L’écriture des évangiles implique donc la relève du défi lancé par le judaïsme, elle fut un acte à la fois polémique et politique, par lequel l’Église s’engagea dans le grand conflit des cultures. Mais que fut la lecture de l’anti évangile ? Comment parvint-elle à déjouer l’intrigue sans la renier complètement ? Quels furent la nature et le degré de sa critique ? |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg06400 : 13/03/2021 |