ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


L’écriture  des  évangiles




La structure du discours de l’anti évangile :

Le procès, dans sa structure et dans sa dynamique




Sommaire

Introduction

La foi en Jésus-Christ

Mort et résurrection

Refoulement et sublimation de Jésus

Tournant historique de l’Église

Naissance de l’anti évangile

De l’Évangile aux évangiles

Structure de l’anti évangile
- Structure d’un procès
- Discours processuel
- Forme de l’anti
  évangile

Structure des évangiles

Le Jésus de l’histoire

Genre littéraire et genre référentiel



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   Il convient avant tout de jeter un regard sur le procès, dont le discours de l’anti évangile était à l’origine une des instances. Il peut être défini comme la poursuite d’investigations visant à déclarer innocente ou coupable une personne, à partir de la conformité ou de la discordance de ses actions avec la norme juridique de comportement. Dans cette procédure, les deux pôles sont constitués par la recherche des faits et par le prononcé du verdict de culpabilité ou d’innocence du prévenu.
   La recherche ne se poursuit pas de façon directe, ni tout à fait objective : au lieu de porter sur les faits tels qu’ils sont dans leur concret par rapport à la norme juridique, elle vise à les saisir dans deux volets, selon qu’ils répondent aux schémas de l’infraction ou à ceux du respect de la loi. Les faits sont donc saisis en les abstrayant du réel concret par l’alternance des deux hypothèses de recherche. Mais si ce sont des abstractions, que devient leur objectivité ? Elle apparaît comme relative et douteuse, car quoi que les deux hypothèses n’agissent pas comme des préjugés mais comme des grilles qui permettent de connaître la réaction des faits à leur égard, il n’en demeure pas moins que la situation d’abstraction rend leur réaction hypothétique ; elles ne correspondent à la réalité que dans le cadre de cette approche et dans l’hypothèse de leur abstraction.

   Le serment auquel les investigateurs des deux instances sont astreints doit être compris dans le cadre de cette démarche. Il ne s’agit pas pour eux de prêter serment sur l’innocence ou la culpabilité de l’accusé, puisque la mise en relation des faits et de la responsabilité de l’accusé est du ressort du juge et non des rapporteurs. Les rapporteurs ne peuvent qu’accréditer les faits, et seulement dans la positivité de leur factualité, tels qu’ils se sont donnés à voir sous l’angle de vue dans lequel ils ont été perçus. Ainsi leur perception n’a-t-elle qu’une valeur relative et ne peut-elle pas prétendre recouvrir la totalité réelle du fait. Le réel ne se montre que par des facettes qui n’apparaissent que dans l’alternance des deux angles de vue.
   C’est pour cette raison qu’on parle de « témoignage » et non de « reportage » : dans le reportage, le regard s’est livré au fait, sans lui résister, devenant pour ainsi dire son porte-parole, dans le témoignage par contre le regard viole le fait, le divisant en lui-même, il ne veut pas connaître ce qu’il est mais ce qu’il est possible qu’il soit face à son interrogation. Transparent, le reportage est révélateur du fait tandis que le témoignage, opaque, le laisse en-deçà de sa parole. Dès lors il ne peut devenir crédible qu’au moyen d’un serment, mais celui-ci a le pouvoir d’accréditer la véracité de sa parole face à sa perception et non vis-à-vis du fait lui-même. Le reportage, lui, n’a pas besoin de serment, puisqu’il est d’autant plus représentatif de la chose qu’il se détache de tout conditionnement de la part du sujet.

   La procédure judiciaire ne peut former le jugement de l’innocence ou de la culpabilité de l’accusé que si elle parvient à franchir ce niveau d’abstraction et atteindre la réalité des faits, car l’inculpé étant une personne réelle, il ne peut être responsable que des actions qu’il a effectivement commises. Mais peut-elle toucher aux faits, alors qu’elle s’est éloignée d’eux ? Quelle méthode peut lui permettre d’arrêter la marche vers l’abstraction pour rattraper un réel qu’elle a laissé échapper ? Certes, si la procédure devait se poursuivre selon la logique d’identité, elle serait condamnée à rester au niveau de l’hypothèse et donc toujours loin du réel. Elle aboutirait à une connaissance du champ de possibilité concrète de culpabilité ou d’innocence de l’accusé, et non au jugement de caractère historique qui le déclare réellement coupable ou innocent.
   Mais la procédure n’a envisagé cette démarche par hypothèses alternées que dans le but de les opposer dans le cadre d’une stratégie dialectique. En effet le jugement ne s’opère que par le passage des deux alternatives hypothétiques à des positions thétiques, dans la mesure où accusation et défense prétendent non seulement exprimer le possible du fait mais le fait accompli. Dès lors elles ne peuvent être que contradictoires, puisque la position de l’une exclue celle de l’autre.
   Le jugement devient possible par la mise en confrontation des deux prétentions permettant qu’elles se nient réciproquement dans leur prétention au réel. Mais, en se niant, elles s’unissent aussi dans un rapport de complémentarité apte à représenter le réel avec transparence.



c 1980




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tg07100 : 13/03/2021