ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


L’écriture  des  évangiles




La structure du discours de l’anti évangile :

Le discours processuel




Sommaire

Introduction

La foi en Jésus-Christ

Mort et résurrection

Refoulement et sublimation de Jésus

Tournant historique de l’Église

Naissance de l’anti évangile

De l’Évangile aux évangiles

Structure de l’anti évangile
- Structure d’un procès
- Discours processuel
- Forme de l’anti
  évangile

Structure des évangiles

Le Jésus de l’histoire

Genre littéraire et genre référentiel



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   Quoiqu’elle n’en soit pas la seule, la parole constitue sans aucun doute l’action principale du procès, y participant dans ses trois phases d’enquête, de péroraison et de jugement, et s’inscrivant dans sa tension dialectique. L’importance de ce discours fut grande dans l’antiquité, puisqu’il fut pris comme fondement de ce genre littéraire que fut l’éloquence, qui couvrait l’ensemble de l’élocution oratoire, aussi bien politique que religieuse ou culturelle. Dans ces lignes, je me contenterai de faire quelques remarques concernant la fonction référentielle de ce discours, dans le but de connaître son mode d’approche du réel. C’est en effet ce problème qui intéresse notre démarche.

   Au niveau de l’enquête, le discours est constitué par des témoignages, pris soit individuellement soit dans leur ensemble. Étant donné qu’ils se groupent selon l’alternance de l’accusation et de la défense, ils constituent aussi deux instances du discours. En dépit de leur opposition, celles-ci s’unissent cependant en ce qu’elles se réfèrent à la même situation fondamentale des faits. En effet, s’il n’y avait pas cette convergence elles ne pourraient plus s’opposer et prétendre l’une à la condamnation, l’autre à l’acquittement de l’accusé. Cette situation fondamentale de référence demeure cependant indéterminée, elle représente le fait réduit à sa pure matérialité phénoménique par son abstraction des circonstances déterminantes.
   La différence des deux discours commence dès qu’ils s’approchent des circonstances, car ils les saisissent avec des grilles opposées, l’un par le schéma des transgressions, l’autre par celui de l’accomplissement des lois. Le fait originel va donc se déterminer et prend corps par l’articulation de ces circonstances, mais de façons différentes selon leur angle d’appréhension, car il est évident que les circonstances déterminantes d’un discours ne peuvent apparaître qu’à la suite de la mise entre parenthèses des circonstances de l’autre. Les discours ne sont donc pas seulement distincts mais contraires, chacun revendiquant être la narration authentique du fait. Dans le cadre de cette antithèse, on peut aussi affirmer que l’un se laisse entrevoir dans l’autre, mais comme renié, expulsé de sa propre signification.
   Il s’ensuit aussi que leur référence au fait ne constitue pas un argument de leur véracité, car ils s’y rapportent en lui faisant violence. Au contraire, dans la mesure où le fait apparaît dans l’instance de la parole comme sujet d’attribution, il devient révélateur de la fausseté de l’énoncé, car on le fait support d’attributs qui n’ont pas de correspondance dans sa propre réalité. Cette structure rend vaine toute approche directe de lecture qui s’arrêterait au niveau de la signification des deux discours, car leur vérité – la correspondance au fait – ne réside pas dans ce qu’ils énoncent, mais dans l’opposition qui existe entre ce qu’ils disent et ce qu’ils ne disent pas, et donc dans la dialectique de deux instances de parole.

   Quant aux discours de la péroraison, ils résultent de l’ordonnancement de ces premiers discours dans le cadre d’une nouvelle structure et d’une nouvelle perspective, se divisant en deux instances, dont l’une est d’accusation et l’autre de défense. Ils ne se limitent pas à rapporter les faits chacun selon son propre schéma d’approche, mais ils s’articulent sur la ligne d’une argumentation qui prétend prouver la culpabilité ou l’innocence de l’accusé.
   Mais sur quoi s’appuient-ils pour établir ces preuves ? Certes pas sur leur réelle conformité aux faits, qui reste en-deçà de leur saisie, mais sur la relation d’opposition dialectique qui les divise. En effet, en s’opposant chacun joue sur l’équivoque de ses propres témoignages, les faisant apparaître comme une documentation des faits alors qu’il se tait sur les limites que lui impose son propre non-être. Ainsi met-il en évidence le non-être de l’autre, jusqu’à cacher la relation à l’être que lui confère son témoignage.
   Enfin, ne pouvant compter sur des preuves objectives convaincantes, chacun vise à persuader les juges par-delà la raison, en employant la puissance du verbe. Les deux discours sont donc dialectiques, mais il s’agit d’une dialectique apparente et non réelle, comme un duel simulé où l’on évite de se toucher. En effet les deux discours se lancent sans se heurter, chacun passant à côté de l’autre, à la limite de sa signification. Ils se renient non en ce qu’ils disent, et donc ce qu’ils sont, mais en ce qu’ils ne disent pas. C’est l’artifice rhétorique, que les anciens traités avaient étudié jusque dans ses feintes les plus éblouissantes et les contrecoups les plus percutants de la performance de la parole.

   La dialectique réelle apparaît au contraire dans le discours de la troisième phase du procès, qui aboutit au jugement, car celui-ci est le résultat de la mise en confrontation des discours de la péroraison. Hypothétique dans son premier moment, rhétorique dans le deuxième, le discours processuel devient ici critique.



c 1980




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tg07200 : 13/03/2021