ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
Ennio FlorisAutobiographie |
Enfant de chœur |
EN SARDAIGNE :Dans un jardin en ÉdenLa grammaire latine Iaiou Œil de bœuf De jardin en cimetière Le sacrifice de ma mère Enfant de chœur Homo homini lupus Revendication et pardon La confession des péchés Dans la contradiction d’une crise Le Père Olivi, à son retour LE DÉPARTL’ITALIEPUIS LA FRANCE............................................ |
enons-en aux nouvelles activités que j’avais apprises et poursuivies dans l’Église : le catéchisme, le service de la messe et des autres cultes. Mais aussi une conduite religieuse dans son comportement, pour ne pas dire un style de vie. En ce qui concerne le catéchisme, je l’avais appris par cœur comme tout le monde, en vue du service dans les différents cultes, mais aussi en cherchant à en retenir la doctrine de foi subjacente. Mais, comme il m’était impossible de la comprendre dans sa définition dogmatique, je cherchais à en avoir une connaissance pratique. L’enseignement de Jésus consistait en ce que les hommes doivent vivre comme des frères, s’ils veulent vraiment comprendre que Dieu est le Père de tout homme. Or Jésus est l’homme envoyé dans le monde pour vivre comme fils de Dieu, en considérant tout homme comme un frère, foi qu’il témoigne par sa mort. Réduction en comportement pratique de la foi des évangiles ? Trop tôt pour pouvoir le penser et le dire. Il s’agit ici d’une connaissance pratique, connaissance qui m’apparaitra comme la seule et l’unique à l’âge mûr de mon existence, lorsque j’aurai compris que toute élaboration dogmatique, même celle des Écritures elle-même, n’est qu’une sublimation allégorique d’une finalité vécue. Cette précision de principe suffit ici pour la base fondamentale de mon interprétation des évangiles, tenue empiriquement dans ma jeunesse, et approfondie par l’analyse des textes dans ma maturité. Quant à la Messe, je retenais qu’elle était le rite de la mort de Jésus-Christ, marquée par le pardon à ceux qui l’avaient crucifié. J’ai remarqué que toutes les Messes commencent aux marches de l’autel, où le prêtre présente à Dieu les péchés des hommes. Cela m’apparaissait évident dans les paroles de l’enfant de cœur, dans l’Introït de la messe : « mea culpa, mea maxima culpa ». Paroles qui étaient d’ailleurs les seules que je comprenais. J’ai cherché à bien les fixer dans ma tête avec les différents moments de ce rite : le Kyrie, le Gloria, le Credo, le Lavement des mains, la Consécration, enfin la Communion. J’apprenais donc les moments précis du déroulement du rite. Il s’y ajoutait le catéchisme, qui se rapportait au contenu de la foi, concernant aussi la doctrine de la messe et les autres sacrements. J’ai dû en suivre les cours, afin de me préparer à recevoir la première communion. Je ne me rappelle plus si le catéchète était un Père ou un laïc. Toujours est-il que ma connaissance de la messe fut plus étoffée. Mais les problèmes de la foi commencèrent à me secouer. En effet, dans tout ce que le catéchète dictait, je trouvais des affirmations tout à fait incompréhensibles, pour ne pas dire absurdes. Celle, par exemple, que l’hostie consacrée est Jésus ! Or, à la perception comme dans toute analyse, « l’Hostie » n’est que de l’hostie : de la farine pétrie, mise au four. Sa consécration n’affecte pas sa nature physique ou métaphysique, mais sa fonction, la constituant en signe dans un ordre de valeurs existentielles. On ne peut pas confondre le rôle d’un signe avec la nature de la chose qui le porte. La communion est un repas, mais symbolique, c’est à dire fait non pas pour se rassasier, mais pour signifier l’union et la communication fraternelle entre les hommes. On ne peut pas transformer une valeur dans la chose qu’elle affecte. Ou, en renversant le rapport, identifier une chose avec la finalité qui lui donne un sens, ou transformer en chose le sens par elle signifié. On ne peut identifier la nature des choses avec leur fonction de signe, sans une confusion totale au niveau de l’être et de la connaissance. Mais, si l’on affirme que le pain demeure pain et Jésus, Jésus, l’un et l’autre peuvent constituer une identité, non au niveau de l’être, mais de la dimension du signe, comme on vient de le dire. La théologie doit définir Jésus non dans la nature de son être, mais dans la dimension de ce qu’il signifie par sa parole et dans ses actes : l’appel de l’homme à un autre niveau de vie dans la dimension du vécu. Le « fils de l’homme », Jésus, est perçu comme fils de Dieu parce qu’il est tel non dans sa réalité physique, mais en tant que vécu comme tel par notre esprit. Les deux dimensions – le réel et le vécu – ne sont pas confondues. Si on les confond, on tombe dans l’erreur et dans la confusion mentale. Or il arrive que la religion n’opère pas cette distinction, en affirmant par exemple que Jésus est homme et Dieu dans son être. Non, donc, au sens qu’il est homme dans son être et Dieu dans notre esprit, dans la mesure où on le vit comme tel, mais homme et Dieu en lui, dans son être. Jésus est l’homme-Dieu, le Dieu homme ! Comme si Dieu, en créant l’homme-Jésus, épris par sa beauté et sa puissance, le retient par sa propre nature ! Il est donc constitué par l’union de deux natures, humaine et divine ! Au moment de la création, Dieu a-t-il était jaloux de l’homme pour le retenir, ou l’homme tellement épris de Dieu, pour s’unir à lui ? Mais arrêtons-nous ici, pour ne pas sortir des limites de cette étude. Le lecteur se demandera peut être si, à cet âge, j’avais vraiment cette connaissance de Jésus. Je peux l’affirmer, en précisant cependant que j’ignorais la compréhension de Jésus donnée par la théologie, ou que je n’en tenais pas compte. Je comprenais donc la foi en me référant aux catégories naturelles et non théologiques de la raison. Je croyais que Jésus meurt en pardonnant à ceux qui l’ont crucifié, sans cependant supposer un « sacrifice expiatoire », au rachat des pêchés, bref à la rédemption par laquelle l’homme obtient le pardon des péchés, comme fondement de son salut. Pour moi, ce salut était propre à Dieu, par son amour, et il n’avait pas besoin de rédemption. Son pardon est gratuit ! Compréhension de l’œuvre de Jésus, donc, sans me référer aux élucubrations théologiques mais aux principes de connaissance propres à tout homme. Ignorant la théologie, je connaissais cependant Jésus, et cette connaissance me donnait la possibilité de le suivre. Évidemment, tout en le connaissant je restais loin de parvenir à le suivre toujours. Pour en venir au culte de la Vierge Marie, je dirai que, comme tout le monde, je connaissais plusieurs madones, selon les multiples et différentes représentations correspondant aux miracles, aux lieux de leurs apparitions, aux rôles qu’on leur attribuait, selon les divers moments de sa vie relativement à Jésus, naissance, passion et mort. Le lecteur se demandera laquelle parmi cette multitude de Maries constituait l’objet de ma dévotion et quelle était concrètement celle-ci. À la première question, je répondrai que l’objet de ma dévotion était cette Marie qui avait un culte dans l’église que je fréquentais. Quant aux autres, je n’avais aucune dévotion spéciale, parce qu’elles m’étaient dans un certain sens étrangères. La deuxième question est plus importante, car si je m’adressais à Marie à la dernière année de mon adolescence, je me posais déjà le problème du titre de « vierge » qu’on lui attribuait. Ce titre suppose qu’elle avait été fécondée non par une union sexuelle avec un homme, mais par l’Esprit de Dieu. Un fait à cet égard avait eu sur moi une importance fortement négative. Je me trouvais dans la sacristie de l’église de Saint Dominique. La statue de Marie – femme morte, le corps recouvert d’une robe de soie blanche et céleste – gisait sur une table à rallonges. Autour d’elle, des femmes en train de la préparer pour sa « fête » : l’Assomption. Il convient de rappeler que, dans ces temps, la statue de la vierge n’était pas comme aujourd’hui debout, prête à monter au ciel, mais morte comme dormant. Le gisant de la vierge était donc étendu sur un lit. Pendant l’année, il était dans une chapelle de l’église d’une façon, disons, ordinaire mais, pour sa fête, il était habillé d’une façon somptueuse, comme une reine. Ainsi habillée, dormante, elle était mise dans un catafalque au milieu de l’église et ensuite portée en procession dans la ville. Les femmes étaient donc en train d’habiller la « Madonna » avec sa robe de fête. Je fus cependant étonné que la femme qui était chargée de l’habillement liturgique de la statue, s’approche d’elle pour lui dévisser délicatement la tête, la remplaçant par une toute nouvelle, au point qu’elle ne paraissait plus morte, mais endormie. Après ce superbe maquillage liturgique, elle regarde Marie avec émotion, s’approche d’elle en lui disant toute émue : « Que tu es belle, Marie ! », et l’embrasse. Elle cède alors la place aux autres femmes, qui s’approchent une à une pour lui donner délicatement leur baiser. Je laisse le lecteur me suivre dans mon étonnement ! La femme se comporte avec la statue de Marie comme si elle était la personne de Marie elle-même. Elle a pu le croire parce que le culte exige qu’on s’adresse par la prière à une image de Marie comme à elle-même. Mais ici, la femme n’était pas dans un acte liturgique. On peut cependant se demander si la foi est conditionnée par la liturgie ou celle-ci par la foi. Quant à moi, j’en été scandalisé, non parce que je m’opposais au culte de Marie et à la préparation de celui-ci, mais parce que cette femme considérait la statue de la Vierge comme la personne de la Vierge elle-même. Pour moi, le culte n’est que la mise en scène d’une rencontre qui ne se développe qu’à l’intérieur de notre esprit. Mon scandale se rapportait à la croyance que l’objet du culte est sa propre représentation et non un événement à l’intérieur de notre esprit, même quand il raconte un événement réel. Dans ce cas, ce qui compte est le sens, non le fait dans sa matérialité. Il fallait donc le comprendre, et j’avoue que je n’étais pas encore à même de pouvoir comprendre en quoi repose proprement la vérité de la religion. Sans doute, le culte est une représentation théâtrale en vue d’un événement de l’esprit, mais pour saisir et comprendre cet événement il faut se détacher de la représentation pour le rechercher dans notre esprit. Dans le cas en question, Marie était représentée comme élevée au ciel, mais je ne pouvais pas savoir si cette « assomption » se rapportait à un événement réel et ontologique de Marie, ou à un engagement de notre esprit. |
t502620 : 03/12/2020