ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Ennio FlorisAutobiographie |
Homo homini lupus |
EN SARDAIGNE :Dans un jardin en ÉdenLa grammaire latine Iaiou Œil de bœuf De jardin en cimetière Le sacrifice de ma mère Enfant de chœur Homo homini lupus Revendication et pardon La confession des péchés Dans la contradiction d’une crise Le Père Olivi, à son retour LE DÉPARTL’ITALIEPUIS LA FRANCE............................................ |
nfant, je n’aurais pas pu citer cette affirmation de Machiavel, mais elle exprime vraiment ce que j’ai appris alors à la suite de mes tentatives de comportement fraternel vis-à-vis des autres. Un jour, on frappe à la porte. C’était un mendiant. D’habitude, dans ce cas, j’appelais maman et, si elle n’était pas là, je renvoyais le mendiant. Ce matin, cependant, en voyant ce pauvre je fus ému, et décidai de lui donner du café. J’ai pu le faire, car maman n’était pas dans la cuisine. Le pauvre en fut heureux, et moi vivement touché. Or le jour après, le même mendiant revient avec un autre. « Ohé ! lui ai-je dit, mais où crois-tu venir ? » « Tu vois, mon garçon, lui aussi a faim. » « Mais ce n’est pas un bar, ici ! Tu comprends ? Je vous le donne cependant, mais ne revenez plus ». Je leur donne du café, et ils s’en vont, tout à fait satisfaits. Quelques jours après, ce sont quatre pauvres qui se présentent. « Êtes-vous fous ? » L’un d’eux, avec une prétention inouïe, me répond : « Nous n’avons pas de café, alors que tu en as : tu peux donc bien le partager avec nous. Pouvons-nous entrer avec toi dans la cuisine. ? » Et ils avancent. « Arrêtez-vous, sinon je lâche le chien ! » Il aboyait en effet férocement. « On attend, on attend ! Mais laisse le chien en paix, nous ne sommes pas des voleurs ». Je les quitte, je cherche aux alentours un bâton, et je trouve une pioche. Je la prends et reviens vers les quatre hommes, la pioche brandie entre mes mains, en criant : « Fuori, fuori di qui ». (Dehors, dehors d’ici). Prenant peur, ils s’en vont. J’ai fermé la porte, en jetant la pioche loin de moi, pensant : « Mes frères, frères ! Comme il est difficile de se convertir en frères ! » Et cependant j’avais mis toute ma bonne volonté. Mais je n’avais pas pensé que les mendiants, en constatant que j’avais reçu intérieurement l’appel à leur donner du café, seraient inexorablement revenus. Peu de temps après un autre fait survint. Je fais mes courses dans la via San Giovanni, et je m’arrête à une boutique de fruits et légumes tenue par des siciliens, où j’allais souvent. Aussitôt entré, un des deux vendeurs me demande : « Ennio, est-ce que tu nous aides à traîner ces sacs pour les remettre en place ? » « Oui. » On traîne les sacs pendant presqu’une heure. Après cela, tout souriant, l’un des deux m’offre cinq figues sèches : « Comme récompense ! » « Cinq figues pour une heure de travail ? » « Pour un " Sardegnolo " c’est plus que suffisant ! ». Or le mot « sardegnolo » était usité pour désigner les ânes sardes, non les hommes ! En réponse à ce mépris qui ne touchait pas seulement ma personne mais tous les sardes, je crache sur les figues que je tenais dans ma main et les jette avec violence sur sa figure : « Mangiali-tu, randagio di siciliano ! » (Mange-les, toi, vagabond de Sicilien). Et je m’enfuis. Tous les deux se lancent à ma poursuite et ils parviennent à me rattraper, me jetant par terre et m’assommant de coups de pieds, comme un chien. Et ils s’en vont, en riant. Après m’être reposé étendu par terre, je me lève enfin, me disant : « Voilà mes nouveau frères : les siciliens ! ». Rentré chez moi, je n’ai rien dit à mamère ni à mes frères ! En nourrissant une vengeance, jusqu’à la mort s’il le fallait, je criais : « Me la pagherete carra, botoli ringhiosi ! » (Vous le paierez cher, chiens de requins ! ». Je ne pensais plus à autre chose qu’à trouver une occasion pour accomplir ma vengeance. Mais j’étais fortement tourmenté : me venger, alors que je disais m’être converti à la fraternité avec tous les hommes ? Mais d’autre part, comment considérer comme frères ceux qui considèrent les Sardes comme des ânes et, en plus, le disent ouvertement ? Comment ne pas s’opposer, même avec violence, à celui qui te méprise, parce que tu es un Sarde ? À un Sicilien, de surcroit ? Je me dresse comme vengeur de mon peuple en disant : « Non, il faut que je punisse ces salauds de Siciliens ! » Toujours à la recherche de l’occasion propice pour ma vengeance, je découvre un jour qu’un de deux Siciliens passait par ma rue, pour retourner probablement à sa maison, précisément à l’endroit où je pourrais lui tendre un piège. En effet, notre salle à manger finissait par une terrasse, de laquelle je pourrais lui lancer quelque chose de très désagréable, sans être vu. Des pierres, par exemple ! Il se posait pour moi un seul problème, celui de monter sur la terrasse, car il n’y avait pas d’escalier. Pour y aller, il fallait monter sur le toit de la cuisine, qui n’était pas trop élevé, et de là sauter sur la terrasse, un demi-mètre plus haut. Il fallait trouver une échelle pour monter sur le toit de la cuisine. J’ai trouvé cette échelle et j’ai fait des essais pour monter. J’y monte donc vers le soir avec des pierres et j’attends le retour du Sicilien à sa maison. Mais comme il tardait à venir, je me mis à penser à ce que j’allais faire précisément : lancer des pierres ! Et si je le blessais ou, pis, le tuais ? Je pensais qu’il méritait sans doute d’être tué, pour le mépris qu’il avait pour les Sardes ! Non, je ne le tuerai pas, je me bornerai à lui donner une bonne leçon ! C’est l’heure d’arrêter, chiens des Siciliens, de nous traiter comme des chiens ! À ces mots, je remarquais que je me comportais avec eux, de la même façon qu’eux à mon égard ! Mais la nuit approchait et aucun Sicilien n’apparaissait. J’ai décidé d’attendre jusqu’à l’éclairage de la ville à la tombée de la nuit, mais personne ne passa dans la rue. J’ai pris alors acte que Dieu ne le voulait pas ! Je me trouvais cependant comme si j’avais reçu une gifle, sans pouvoir ôter de mon visage l’empreinte de la main qui me l’avait donnée. On m’a renié comme personne humaine, m’obligeant à avoir conscience de ne pas être un homme ! Le sentiment de vengeance agitait mon esprit et, instinctivement, je cherchais à le justifier. Je trouvais qu’elle n’avait pour moi d’autre but que de racheter l’image d’homme qu’on nous avait enlevée, à moi et aux Sardes ! Le pardon des offenses se posait comme le but de la venue du Christ parmi les hommes, tandis que je le remplaçais par la vengeance ! Tourmenté intérieurement, je ne pouvais que réfléchir. |
t502630 : 03/12/2020