ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


De la naissance de Jésus-Christ
à la naissance de Jésus




Le problème de la naissance de Jésus dans les épîtres de Paul




Le Fils de Dieu et Jésus



Sommaire
Avertissement

Introduction

La naissance chez Paul
- Les allusions
- Le fils de Dieu

L’évangile de Marc

Matthieu : naissance du roi des juifs

Luc : naissance du fils de Dieu

La naissance du héros

Jean : le samaritain

Marie

Joseph

Les noms de Jésus

L’évangile de Thomas

Témoignages des juifs

Jésus


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   Paul ne parle de la naissance de Jésus que pour marquer la venue du Fils de Dieu dans le monde. On pourrait dès lors s’attendre à ce que Jésus reste tout à fait conditionné par la divinité du Fils de Dieu et qu’il ne soit qu’en fonction de lui : sous le Fils de Dieu, Jésus… Mais c’est précisément le contraire car, en naissant comme homme, le Fils de Dieu a effacé sa « forme divine ». Au fond il est mort à sa « forme divine » pour vivre dans sa forme humaine. À l’apparence, c’est-à-dire à la saisie de l’expérience, il n’était qu’un homme, toute prérogative de sa divinité étant effacée. Jésus ne naît pas comme un « Fils de Dieu », mais comme tout autre homme.

   Cette conception a dû poser des problèmes aux niveaux théologique et historique.
   En christologie, Paul a dû se heurter à la tradition de l’Église apostolique qui, tout en partant de l’homme-Jésus, reconnaissait en lui les prérogatives qui l’accréditaient comme Fils de Dieu. Paul avait renversé le point de départ : on doit comprendre Jésus-Christ à partir de sa résurrection qui oblige à mettre en perspective sa « mort selon la chair » et sa vie. Pour Paul le Christ, en venant dans le monde, reste complètement incognito sous la forme d’un homme. Cette conception a dû apparaître par la connaissance de Jésus.
   En ne faisant pas naître Jésus à la façon d’un fils de Dieu (qu’on se rappelle les naissances des fils de dieux dans la culture grecque et celles des ancêtres du peuple dans les Écritures) Paul exposait la naissance de Jésus aux interprétations les plus diverses, qui pouvaient aussi compromettre sa personnalité divine.
   On peut penser, par exemple, que les limites extrêmes que Paul impose aux informations sur Jésus ont été motivées non seulement par la conception de l’incarnation comme kénose, mais aussi pour effacer l’image que Jésus avait donnée de lui-même de son vivant. Paul avait encore en mémoire cette image lui qui, s’appuyant seulement sur la tradition juive, avait combattu de toutes ses forces la prédication de l’Église sur le messianisme de Jésus. Cette réflexion nous fait approcher les allusions pauliniennes à la naissance du Fils de Dieu avec un certain soupçon : on découvre en effet que ces allusions, tout en étant vides de faits, trahissent par leurs lacunes et leurs équivoques une information sur la naissance de Jésus peu orthodoxe et en contradiction avec la naissance d’un Fils de Dieu.
   On peut en effet remarquer que Paul assimile la naissance du Fils de Dieu à celle d’un « esclave » : par cette naissance le Fils de Dieu (Jésus) était soumis aux obligations de la Loi, sans jouir pour autant des droits qui étaient communs à tous les individus en tant qu’hommes. En d’autres termes, il n’était pas considéré comme une personne humaine selon le droit civil. On peut répondre, il est vrai, que le mot « esclave » doit être compris par opposition à la « forme divine » dont il s’était dépouillé, et donc qu’il signifie la nature humaine, mais il est étonnant qu’il ait choisi le mot « doulos », propre à l’esclave, et non celui de « pais », susceptible de désigner à la fois le serviteur et le fils. S’il a choisi le mot « doulos », c’est signe qu’il a vu dans la naissance de Jésus une condition inférieure à celle d’un homme libre, condition que Dieu aurait choisie précisément dans le but de le conduire au sacre par une obéissance jusqu’à la mort sur la croix. Jésus est né comme un enfant non libre, « né sous la Loi » (Ga 4:4) au sens qu’il était plutôt l’objet de ses malédictions (Ga 3:13) que de ses bénédictions, un être auquel on ne reconnaissait le droit d’exister que parce qu’il avait été acheté, une chose.

   Des questions très troublantes peuvent se poser à propos de l’affirmation qu’il était « né d’une femme ». L’expression aide sans doute à comprendre qu’en naissant il reste Fils de Dieu, dans la mesure où il n’a pas de père humain. Cependant l’absence de père nous plonge dans d’autres questions non moins troublantes. S’il est sans père, comment a-t-il été conçu ? Du fait que sa naissance est comme celle de tous les hommes, on doit déduire qu’il a été conçu, mais comment ? Aucune allusion à une conception « virginale » qui, d’ailleurs, semble être exclue puisqu’elle aurait marqué cette naissance d’un caractère divin, ce qui est contraire à la naissance semblable à celle d’un esclave. Par l’union de cette femme avec un homme, alors ? Mais s’il a un père, comment Dieu peut-il être son père ? Par une union hors mariage, signe que son père naturel n’était pas reconnu comme légitime par Dieu ?
   Dans l’épître aux Romains Paul affirme de façon explicite que Jésus est la « descendance de David », ce n’est donc pas un fils illégitime. Mais il faut remarquer que cette affirmation ne tire pas sa vérité de l’expérience, mais de l’interprétation des Écritures. Peut-être que Paul a pu reconnaître une illégitimité dans la naissance de Jésus, la comprenant comme une énigme qui a permis à Jésus de descendre de David.
   Rien n’est donc sûr, mais on peut tout soupçonner tant les paroles de Paul sont floues et équivoques.
   Le silence de Paul au sujet de la naissance de Jésus semble donc cacher une énigme qui s’enchâsse dans l’énigme que constitue chez lui le « Jésus-Christ selon la chair ». Le refus de résoudre cette énigme par le recours à l’histoire manifeste la crainte de Paul que la connaissance de la réalité des faits puisse éloigner les fidèles de la foi au Christ. Il a de la naissance de Jésus une image qu’il estime extrêmement dangereuse pour ceux qui voudraient arriver au ressuscité à partir de l’homme Jésus.
   On peut donc penser que ceux qui, par la suite, ont écrit un évangile de « Jésus-Christ » ont partagé cette crainte dans la mesure où ils devaient parler concrètement de cette naissance. Ainsi ces allusions de Paul, bien qu’apparemment brèves et sans importance, ont constitué le point de départ du nouveau discours de foi.



2011




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t712000 : 18/12/2017