ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisDe la naissance de Jésus-Christ
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L’évangile de Jean : le samaritain |
Un texte de Jean (Jn 8) |
Sommaire Avertissement Introduction La naissance chez Paul L’évangile de Marc Matthieu : naissance du roi des juifs Luc : naissance du fils de Dieu La naissance du héros Jean : le samaritain - Un texte de Jean - Les deux pères - Le Samaritain Marie Joseph Les noms de Jésus L’évangile de Thomas Témoignages des juifs Jésus . . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . . |
Le texte de Jean est une allégorie, qui a pour arrière-plan la controverse entre chrétiens et juifs sur l’origine de Jésus. Son caractère allégorique nous permet de saisir deux niveaux de discours : le sens littéral et le sens christologique. La dialectique de la controverse se fonde précisément sur l’opposition de ces deux niveaux, déjà présents dans la question que les juifs posent à Jésus : « où est ton père ? ». Jésus étant présupposé fils de Dieu par le récit, il en résulte qu’il est à la fois sans père et engendré par un père : sans père au niveau de la chair, avec un père selon l’esprit. Le point focal de la controverse est constitué par les versets 13 à 19, qui aboutissent à l’interrogation au sujet du père. Comme les héros des récits mythiques, le fils de Dieu ne peut donner sur sa propre origine d’autre témoignage que celui de sa mère ou de son père légal. Celui de sa mère naturelle n’était évidemment pas recevable, celui de son père l’était à condition qu’il soit confirmé par serment. Selon Matthieu, le père présumé de Jésus – Joseph – aurait donné implicitement ce témoignage en refusant de renvoyer Marie. Mais par leur question, les juifs montrent qu’ils n’admettent pas ce témoignage et, par conséquent, que Jésus n’a ni père naturel, ni père légal : « Où est ton père ? ». Il s’ensuit que Jésus (les chrétiens) donne témoignage de lui-même ; il le reconnaît d’ailleurs, mais il affirme en même temps que son témoignage est vrai car appuyé sur celui de son père. Au niveau littéral, l’équivoque est frappante et frise la contradiction. Celle-ci ne peut être évitée que si l’on suppose que Dieu, comme dans les récits mythiques, a révélé par un signe l’origine divine de Jésus. Jésus, dans sa propre existence terrestre, serait ce signe, mais les juifs, ne voyant en lui qu’un homme, ne le reconnaissent pas. D’où l’articulation de la réponse de Jésus : vous ne me connaissez pas et, ne me connaissant pas, vous ne connaissez pas non plus mon père, et, ne connaissant pas mon père, vous ne savez pas d’où je viens. C’est à ce point que la question sous-jacente à l’ensemble du discours émerge dans toute son ambiguïté : « où est ton père ? » Au niveau référentiel, la confession de foi de l’Église, « Jésus est le Christ » est confrontée avec l’exigence critique de la conscience historique juive. Les juifs approchent Jésus « selon la chair », autrement dit par l’expérience des faits. À ce niveau, Jésus est un bâtard et, pour admettre qu’il est fils de Dieu, il faut l’approcher « selon l’esprit ». Mais cela revient à nier qu’il est un bâtard, puisqu’on le croit fils de Dieu. Pour les juifs, cette argumentation est contradictoire car elle implique une pétition de principe. Le discours qui suit dans le texte de Jean suppose cette situation contradictoire de la controverse. C’est pourquoi la réponse de Jésus ne vise pas à convaincre les juifs de sa filiation divine, mais à leur renvoyer leur accusation d’illégitimité. Soulignons les moments principaux de cette contre-attaque. D’abord, Jésus accuse les juifs d’être des esclaves. Ce à quoi ils répondent qu’ils sont des hommes libres, puisque fils d’Abraham. Jésus insiste en disant que, s’ils l’étaient, ils accompliraient les œuvres de leur père ; ne les accomplissant pas, ils ne sont pas fils d’Abraham. Les juifs répondent qu’ils ne sont pas des fils de prostitution, autrement dit des bâtards. Mais Jésus maintient son accusation et la précise : non, vous n’êtes pas fils d’Abraham mais fils du diable et du mensonge, c’est-à-dire bâtards. C’est à ce moment que l’accusation des juifs, implicite dans la question « où est ton père ? » est explicitée : « N’avons-nous pas raison de dire que tu es un samaritain (un bâtard) et que tu es un démon ? ». Désormais, dans le processus dialectique de la controverse, ce sont les juifs qui sont des bâtards et non Jésus : l’accusé se déclare innocent du moment qu’il a pu faire retomber l’accusation sur ses accusateurs. Lavé de l’accusation, Jésus peut alors se revendiquer comme fils d’Abraham, puisqu’il est le fils de Dieu : « Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour : il l’a vu et il s’est réjoui » ; Jésus est le fils de la promesse, celui qu’Abraham a attendu dans le futur messianique. La contradiction entre les adversaires arrive ici au point de rupture. Les juifs contestent : « Tu n’as pas cinquante ans et tu as vu Abraham ? » et Jésus de répondre : « Avant qu’Abraham fut, je suis ». L’auto-confession de Jésus devient ici son être même : Jésus n’existe que dans et par sa confession de foi, l’instance de parole devient événement d’existence. |
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t761000 : 21/12/2017