En affirmant que la mère de Jésus est une femme inconnue, je ne veux pas dire qu’on ne connaissait rien d’elle, mais qu’elle fut rejetée dans l’oubli pour écarter tout soupçon sur la naissance bâtarde de son fils. Cet oubli ne s’est pas produit par simple rejet, mais par sublimation. Le sort de la mère de Jésus était lié à celui de son fils or, de même que la personne de Jésus a été définie par la sublimation de sa condition de fils bâtard en celle de fils de Dieu, la personne de sa mère l’a été en sublimant sa condition de mère adultère en celle de vierge-mère, comme l’exigeait la naissance du fils de Dieu. La mère de Jésus a été ainsi mythisée et allégorisée avec lui. L’articulation de cette double mythisation allégorisante peut s’exprimer dans le schéma suivant :

Fils bâtard   - >

Mère prostituée             V     Mère vierge   - >

Fils de Dieu

   Non explicitée dans le récit, la mère prostituée se laisse entrevoir dans le non-dit. Elle n’est pas évincée mais refoulée, étant le signe de la vierge-mère. Mais on peut la découvrir, sous-jacente au texte, par une analyse référentielle, comme on a pu déchiffrer la condition bâtarde de son fils. Mon attention se portera donc sur trois textes qui la concernent directement : le récit de la conception virginale, chez Matthieu et Luc ; les récits des noces de Cana et de la crucifixion dans le quatrième évangile.