ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisDe la naissance de Jésus-Christ
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L’évangile de Luc : la naissance du fils de Dieu |
Sommaire Avertissement Introduction La naissance chez Paul L’évangile de Marc Matthieu : naissance du roi des juifs Luc : naissance du fils de Dieu - L’annonciation - La visitation - La naissance - La présentation La naissance du héros Jean : le samaritain Marie Joseph Les noms de Jésus L’évangile de Thomas Témoignages des juifs Jésus . . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . . |
Luc achève les récits sur la naissance de Jésus-Christ par une généalogie qui, à l’opposé de celle de Matthieu, commence par Joseph, père supposé de Jésus, pour remonter à Adam. L’intention de l’évangéliste est évidente, il veut montrer que la généalogie aboutissant à Jésus rejoint son commencement. Jésus s’insère dans la généalogie moins en vertu de la succession des générations que grâce à la paternité de Dieu. Jésus est le fils de Dieu, au même titre qu’Adam, étant à la fois en continuation et en rupture avec la chaîne généalogique. Ce qui lui donne cette position unique est le fait qu’il est né d’une vierge mère. Luc ne parle de la naissance de Jésus qu’en tant qu’il est fils de Dieu. La narration de Luc rejoint en cela celle de Matthieu. Il se distingue cependant de lui dans la façon radicale de concevoir la virginité de la mère. Alors que Matthieu situe la vierge Marie dans le contexte propre à une femme « trouvée enceinte », Luc la fait surgir d’un contexte de virginité exempt de tout soupçon. Dans sa narration le théologique recouvre complètement l’historique : Marie n’est plus une femme « trouvée enceinte », mais une vierge que la parole de Dieu met et révèle enceinte. C’est pourquoi, chez Luc, l’apparition de l’ange se déplace de Joseph à Marie. Chez Matthieu, lorsque l’ange apparaît à Joseph, Marie a déjà été découverte enceinte, victime d’un phénomène qui l’expose au soupçon légitime de prostitution, l’ange apparaît dans le but de dissiper ce soupçon et de blanchir l’image de la vierge. Chez Luc, l’ange apparaît à Marie elle-même, afin qu’elle consente à être enceinte du Saint Esprit. La révélation précède ainsi le fait, afin qu’il apparaisse bien comme un événement de Dieu. Quelle est la trame que Luc dégage du thème de la vierge-mère pour construire son récit ? C’est celle-là même qu’on trouve dans la Bible pour la maternité de la femme stérile. Pour rapprocher la conception de Marie de celle des femmes stériles de la Bible, Luc n’a pas été contraint, contrairement à Matthieu, à rechercher dans la Bible l’exemple de mères tachées directement ou indirectement de prostitution car, n’étant pas « trouvée enceinte », Marie n’a pas besoin d’être justifiée. Au contraire, Luc va rechercher le modèle de cette conception chez des mères qui ont donné naissance à des hommes « saints ». Ainsi la vierge-mère s’insère dans le cadre d’un mariage légitime, sa conception virginale fonctionne comme la stérilité de ces mères. Luc raconte la conception de Jésus en parallèle avec celle d’Élisabeth, mère stérile de Jean-Baptiste. L’ange de Dieu apparaît à Zacharie, époux d’Élisabeth, pour lui annoncer que sa femme sera féconde, puis Élisabeth devient enceinte. Dans le cinquième mois de la gestation d’Élisabeth, l’ange de Dieu apparaît à Marie pour lui annoncer sa conception virginale. Luc fait aussi rencontrer les deux femmes, afin que la vierge-mère reçoive le témoignage de la mère stérile et que celle-ci accomplisse sa signification prophétique dans la mère vierge. Ce parallélisme aurait dû suffire à Luc pour continuer sa narration sur la base du même schéma. Jésus aurait dû naître sans autre histoire au sein du mariage, d’une façon normale et joyeuse. Étrangement, le récit prend une autre allure. Tout d’abord le récit se tait sur la communication par Marie à Joseph de l’annonce de l’ange. Au lieu de cette communication, on trouve Marie qui se met « en toute hâte » (Lc 1:39) en voyage pour rendre visite à Élisabeth. Rentrée chez elle Marie, à la fin du temps de sa gestation, se rend avec son époux de Nazareth à Bethléem, où elle est contrainte d’accoucher. Qui plus est, elle n’accouche pas en ville mais à la campagne, dans une étable. Elle expose son enfant sur une crèche, pour accomplir le signe susceptible de le reconnaître comme fils de Dieu. Des anges apparaissent à des bergers pour leur annoncer la naissance du fils de Dieu, ainsi que le signe qui leur permettra de le reconnaître. Les bergers se rendent sur les lieux et reconnaissent l’enfant comme le fils de Dieu, à la suite du signe. Marie suit donc un itinéraire qui va au-delà du modèle des mères stériles. Elle suit une trame qui semble propre à son histoire. Nous la voyons en voyage et en fuite, accouchant dans des conditions étranges, exposant son enfant. Quelles sont les raisons de ce changement, et de quel modèle participe-t-il ? Luc assigne à ces déplacements de Marie des motivations appropriées, de même qu’il trouve dans les Écritures des correspondances concernant le Christ. Un fait cependant nous trouble : l’itinéraire de Marie ainsi que les épisodes de son accouchement, tout en ayant leur motivation propre, coïncident matériellement avec les péripéties d’une femme trouvée enceinte, selon la coutume et la littérature du temps. La femme trouvée enceinte devait s’enfuir, si elle voulait échapper au jugement et éviter la honte. Elle ne pouvait accoucher que clandestinement et elle était contrainte d’exposer l’enfant : même si on savait qu’elle avait été trouvée enceinte, elle devait faire disparaître l’enfant, preuve de son crime. Certes, elle n’exposait pas son enfant pour qu’il meure, mais pour qu’il puisse être recueilli ; elle cherchait donc à l’exposer dans des lieux fréquentés, bien paré pour montrer qu’il n’était pas jeté mais offert à la vie, placé sous la miséricorde de Dieu. Une fois trouvé (dans la littérature, c’était presque toujours par des bergers), il était recueilli et, par la suite, adopté. L’itinéraire de Marie suit donc, dans sa matérialité, l’errance de la mère trouvée enceinte : elle fuit, elle accouche clandestinement, elle expose son enfant qui est retrouvé par des bergers. Pourquoi Luc a-t-il eu recours à la péripétie de la femme trouvée enceinte, alors qu’il avait exclu cette hypothèse ? Quelle est la raison de cette contradiction ? |
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t740000 : 20/12/2017