ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisProméthée et Jésus : |
Première partie : Dieu, le Sauveur et la mort |
Sommaire Introduction Dieu, le Sauveur et la mort - La colère de Dieu et le péché . Dans le mythe . Dans la Bible - Dieu et le Sauveur - Le Sauveur contre Dieu - Le feu - Procès et condamnation - Océan et Pierre - Océanides et filles de Jérusalem - Io et Marie - La mort - La rédemption - L’eschatologie Le mythe d’Io et l’évangile de Marie Conclusion théologique . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
La colère de Dieu dans la BibleCette condition de misère provient d’une chute originelle. Au commencement l’homme Adam, tout en étant homme fait de terre (voir l’étude postérieure), jouissait d’une vie divine. Seule limite entre le divin et l’humain, la connaissance du bien et du mal, connaissance qui confère à Dieu tout pouvoir contre le chaos. Mais, ayant cherché à devenir comme Dieu, l’homme est chassé de l’Éden divin, et condamné à s’épuiser dans le peine et la souffrance. La condition des humains est le résultat d’une condamnation divine, à la suite du péché de l’homme. Il faut cependant souligner la nature de cette condamnation. Dieu ne détruit pas l’homme, il le condamne en ce sens qu’il le rejette loin de lui, le fait déchoir de sa situation privilégiée pour le réduire à la condition des autres animaux. L’humanité demeure, bien qu’elle soit destinée à disparaître. Les hommes, élevés jadis au-dessus de la nature en tant que maîtres de la terre, sont désormais soumis aux lois inexorables de la mort. L’être rejeté par le Dieu de la Bible est semblable aux Éphémérides méprisés par Zeus. Sans doute, si l’on considère la Bible dans sa valeur théologique, dans l’unité de sa révélation, l’homme biblique dépasse celui du mythe en ce sens qu’il est créé. Mais si l’on considère par contre la Bible dans la succession historique de ses livres, cette différence disparaît car, le récit de la création étant postérieur, l’homme se présente sur la scène biblique comme un être qui trace une ligne d’existence parallèle à celle de Dieu. Le Dieu primitif de la Bible, de même que Zeus, est une puissance qui soumet l’homme à son pouvoir et à sa loi, qui le saisit, détermine ses buts et ses devoirs, précisément parce que celui-ci n’est pas sa créature. C’est par la suite que Dieu devient créateur. Dans la perspective de la malédiction divine, l’homme est un être « terrestre », séparé du divin jusqu’à la misère et à la souffrance, destiné à s’anéantir dans la mort. Mais l’analogie du mythe et de la Bible ne s’arrête pas là : Yahvé, comme Zeus, a eu l’intention de détruire l’homme, lorsque les filles des hommes s’unirent aux fils de Dieu et enfantèrent les « Nephilim » (Gn 6:1-4). Dans ce récit, on doit remarquer tout d’abord l’existence des fils de Dieu, qui se situent vis-à-vis des hommes comme les dieux du mythe. Quel est leur péché ? Celui de s’être approchés des filles des hommes. Cela présuppose qu’une loi interdit aux dieux de s’approcher des hommes et aux hommes d’atteindre la divinité par leur accouplement avec les fils de Dieu. Ces unions engendrent des êtres qui sont entre les dieux et les hommes, les héros, les personnages qui personnifient les peuples eux-mêmes, dans le mystère de leur origine. Ce qui étonne dans ce récit, c’est qu’il ne dit rien de la peine que Dieu aurait logiquement dû infliger à ses fils, Dieu ne punit que les Nephilim et les hommes. « L’Éternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre » (Gn 6:5). Pourquoi ? Parce que, en unissant leurs filles avec les fils de Dieu, ils avaient atteint à la divinité et cherché à changer leur état. Or, en devenant des géants, ils auraient pu escalader le ciel. Pour ce péché, Dieu décide de détruire l’homme ainsi que tous les animaux. La démesure de l’homme biblique égale donc celle des hommes du mythe. À première vue l’homme semble être injustement puni, car ce sont les Titans et les géants qui sont méchants. Mais le péché des hommes relève précisément de l’existence des géants et des Titans, par lesquels ils ont cherché à changer leur nature et à dépasser les limites de l’humain. Si l’on en reste à l’épisode du déluge, on trouve une profonde différence entre la Bible et le mythe de Prométhée en ce qui concerne le salut car, dans la Bible, Dieu réalise en effet par le déluge son décret d’anéantissement des hommes, tandis que chez Eschyle la colère de Zeus est frustrée par l’intervention de Prométhée. Si nous tenons compte de la totalité de la Bible, si nous pensons que le déluge n’est que le déclanchement d’une colère divine qui se poursuit dans toute l’histoire divine et qui s’achève à la venue du Christ, on peut bien dire que, dans les deux récits, le Sauveur apparaît au moment où la colère (Orgé) (Rm 1:18) de Dieu est irréversible. Et c’est ce qui donne aux deux personnages le caractère propre au salut. Ainsi la Bible est l’histoire de l’alliance de Dieu avec son peuple. Cette histoire découle d’une antithèse fondamentale entre la fidélité de Dieu et le péché, sans que l’alliance soit rompue pour autant. Le péché, bien que grave en ce qui concerne les individus, ne touche jamais la totalité du peuple. Il ne brise pas l’alliance, car Dieu trouve toujours un juste qui reste fidèle à l’alliance et qui sauve le peuple de la ruine. Il ne s’agit jamais pour Dieu d’être meilleur que sa fidélité à l’alliance ne le requiert. Même lorsque Dieu envoie ses prophètes pour convertir son peuple, il ne s’agit pas de rétablir une alliance brisée mais d’empêcher que l’alliance ne soit rompue. L’humanité a trouvé son salut dans la fidélité de quelques-uns : Noé (Gn 6:8), Abraham (Gn 15:6 ; Rm 4:3), Moïse (Ex 33:17 ; Nb 11:25), David (1 R 2:33) et le « reste ». L’amour de Dieu est toujours une fidélité de justice, établie par contrat (Gn 18:16-33). Les prophètes ont senti le drame profond de cette contradiction. Leur eschatologie vibre d’espoir et de crainte, car ils ne savent pas si le péché mettra l’alliance en échec. Le jour du Seigneur sera un échec s’il aboutit à un jugement de colère par lequel le peuple sera anéanti (Am 5:18). Ils savent que, de toutes façons, Dieu créera une autre humanité, mais c’est cela qui constitue leur angoisse, car en créant une autre humanité Dieu détruit l’homme historique, celui qu’il a lui-même cherché à sauver. L’histoire biblique met toujours en question le salut donné par Dieu à Noé, Abraham et Moïse. La condamnation à la destruction qui s’accompagne de la volonté d’une nouvelle humanité se présente à nouveau à chaque étape de cette histoire. Or, ce que les prophètes avaient craint s’est réalisé à la venue du Sauveur. Le péché a gagné toute l’humanité (Rm 3:9) : le peuple a tellement péché qu’il ne peut être sauvé grâce à la justice d’un « reste », il n’y a pas de « reste », tous étant pécheurs. Le pacte est brisé, et la colère de Dieu se déclenche dans toute sa rigueur et dans les mêmes termes qu’au temps de Noé. Dieu décide pour la dernière fois de détruire les hommes. C’est à ce moment que l’Évangile ramène la Bible à la même position que le mythe. Dieu a abandonné le temple pour se réfugier dans le désert, lieu de son origine. Il renonce à son peuple, qui doit attendre le jour du Seigneur comme un jour de colère et d’anéantissement. L’homme biblique se trouve sous la même menace que l’homme du mythe, la colère de Dieu est sur tous, par la logique de l’alliance, l’homme doit être anéanti pour céder la place à un homme nouveau. L’apparition du Sauveur, de même que l’initiative de Prométhée, est l’imprévu du divin, l’inattendu, le mystère caché, la révélation. |
![]() ![]() ![]() ![]() t910120 : 07/10/2018 |