ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Au risque de croire





Église en dialogue avec le monde :
une quête du Christ dans le monde


Sommaire

Préface
Quittez un monde bon
Vivre la foi dans le siècle

Présence de l’Église au monde

Église en dialogue avec le monde
- Quête du Christ
  . Dialogue Église-monde
  . Le monde, lieu de
    souveraineté de Dieu

    - Église et vérité
    - Expression de la
      souveraineté de Dieu

    - Dialogue Église-monde
    - Que signifie dialoguer
    - Marche vers l’unité
    - Scandale de la division
- Dialoguer aujourd’hui
- Parole et image

Itinérance : une quête du sens

Croire au-delà des perplexités

En écoutant l’Alléluiah d’Hændel




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Le monde comme lieu de la souveraineté de Dieu :
expression de la souveraineté de Dieu dans le monde


   Le témoignage biblique n’offre aucun doute. « Dieu est amour » signifie que la souveraineté de Dieu se manifeste en œuvre de l’amour. L’amour échappe à toute emprise, à toute mainmise, à toute formulation dogmatique, à toute abstraction, à la bureaucratisation et au pouvoir dominateur, en un mot à toute aliénation : c’est sa spécificité. Dieu est souverain dans l’amour. Plus profondément, cela veut dire que cette souveraineté du Dieu-amour est une puissance de vie, un dynamisme jamais figé ou encerclé.
   Dieu n’est nulle part, impassible dans un ciel où il trônerait. Dieu n’est pas hors du monde, mais il est dans le monde comme levain d’amour qui fait lever toute la pâte humaine et mondaine. Toutes les fois qu’il vient dans une relation vivante à autrui, il est Dieu-amour. « Personne n’a jamais vu Dieu – dit Jean. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous » (1 Jn 4:12-13). Dieu devient amour dans le moment où l’amour suscite la relation des uns et des autres, alors Dieu demeure dans cette relation-là ; il « dresse sa tente » au cœur de cette relation.

   Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres,
puisque l’amour est de Dieu
et que quiconque aime est naît de Dieu et connaît Dieu.
Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu,
car Dieu est amour.
En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous :
Dieu a envoyé son fils unique dans le monde
afin que nous vivions par lui.
En ceci consiste son amour :
ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu,
mais c’est lui qui nous a aimés
et qui a envoyé son fils et victime de propitiation pour nos péchés.

   Bien-aimés, si Dieu nous a tant aimés,
nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.
Dieu, personne ne l’a jamais contemplé.
Si nous nous aimons les uns les autres,
Dieu demeure en nous,
en nous son amour est accompli.
À ceci nous reconnaissons que nous demeurons en lui
et lui en nous : c’est qu’il nous a donné de son Esprit.
Et nous, nous avons contemplé, et nous attestons
que le Père a envoyé son Fils,
le sauveur du monde
»



   Dans ce texte, il est important de suivre le mouvement de Dieu-amour dans le monde. L’amour de Dieu a été manifesté en nous, autrement dit il s’est exprimé dans « la présence du fils dans le monde », et ce mouvement de l’amour de Dieu dans le monde dans ce « fils » aboutit à la « vie ». La structure de ce texte est extraordinairement serrée, qui relie dans un parallélisme rigoureux les termes formés sur la racine grecque « agapé » (amour) : de même que Dieu est amour dans le mouvement de vie créé dans le monde par le « fils », de même le dynamisme de l’amour d’où la vie surgit anime la relation vivante des uns aux autres. Enfin, une expression interdit toute inclusion aliénante de la vérité dans l’Église, son institution et ses dogmes : « l’Esprit » (le pneuma qui en grec signifie à la fois le vent et l’esprit qui, à l’image du vent, souffle où il veut et n’est prisonnier de rien ni de personne). Le mouvement, la « dynamique de l’amour » est un va-et-vient libre et libérateur, « son Esprit ».

   Dieu demeure donc dans ce mouvement, non dans quelque « ciel » hors du monde et de la relation. Il est amour dans la relation que le Nouveau Testament désigne comme la « présence du fils ». Le Christ est le contenu de cette relation, cette « dynamique de la vie ». En Christ, donc, la vérité est amour, non comme une abstraction, une réalité immuable et impassible ; elle « demeure » dans un mouvement d’amour constructeur d’histoire. Le monde est bien le lieu de la souveraineté de Dieu qui est amour.

   Quand l’Église est affirmée comme la réalité première, ce mouvement de l’histoire se trouve figé dans le « temps de l’Église » ; l’Église, et non plus le monde, devient alors le lieu de la souveraineté de Dieu, amour dans le fils. Ce transfert de souveraineté de Dieu, passant du monde à l’Église, constitue l’aliénation de l’Église par rapport au Christ, dynamisme vital de l’amour dans le monde par la relation à autrui.
   Dans le même temps, les « Églises », comme dénominations et institutions particulières et séparées, manifestent leur aliénation par rapport à l’Église-koinonia. Si la vérité n’est pas dans l’Église, et si les « Églises » n’ont pas pour mission d’apporter Christ au monde, l’objection vient à l’esprit : les Églises ont-elles encore une raison d’être ?
   Le Nouveau Testament, il est vrai, interdit cette confusion, puisqu’il parle de l’Église. Mais cette « Église » dont il parle correspond-elle aux « Églises » que nous connaissons aujourd’hui ? Toutes les images néotestamentaires sur l’Église expriment la réalité d’une « koinonia », une « communauté ». Or une « koinonia », en grec, signifie par excellence la relation des uns et des autres dans la dynamique de l’amour. Parce que relationnelle, elle est une réalité ouverte, sans cesse en devenir, en attente d’être, elle se forme et se reforme toujours à nouveau. Aussi, si la koinonia n’est pas confondue avec le monde, comme le sel ou le levain, ses limites sont celles du monde et ses relations se constituent dans le monde à travers les hommes du monde, dans la structure complexe de leurs situations et de leurs conditionnements. L’amour créateur de koinonia demeure dans le monde, unique lieu de la souveraineté de Dieu : « Dieu a tellement aimé le monde… ».

   Maintenant les Églises ? Eh bien, si elles affirment de quelque manière que ce soit que, dans leurs systèmes de croyances et leurs institutions, elles possèdent le dépôt de la vérité révélée, elles s’abusent elles-mêmes par abus de pouvoir, puisqu’elles ont cristallisé le dynamisme vital de l’amour, qu’elles ont, d’une manière ou d’une autre, accaparé à leur profit et pour leur « gloire » l’esprit qui vient de Dieu. C’est bien pourquoi les « Églises » se trouvent aussi aliénées par rapport à l’Église-koinonia : en arrêtant ce mouvement de l’amour, elles referment toujours à nouveau la koinonia ; elles arrêtent le devenir de l’histoire des hommes dans le temps immobile de l’Église ; elles instituent l’espérance ; elles constituent la foi ; elles prostituent l’amour. Elles dénombrent leurs « membres », mais qui est conforme à cette vérité figée des Églises ? et qui est « hérétique » ? Cependant, l’Église-koinonia, au-delà de la mince épaisseur des confessions, s’ouvre à la dimension de l’oikouméné, de la terre habitée.



juin 1971




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