Le récit de Matthieu :
La structure du récit
Regardons tout d’abord l’ordre des propositions dans le récit. La première assure que
Marie, étant fiancée, se trouva ou fut trouvée enceinte par le
Saint Esprit. Remarquons que l’apposition «
par le Saint Esprit » n’est pas à sa place, car elle aurait dû être mise à la fin, étant le but de l’argumentation du récit. En effet, dans la deuxième proposition,
Joseph la sachant enceinte ne pense pas qu’elle le soit par le
Saint Esprit. Cet « éclaircissement » a donc été ajouté pour que l’ensemble constitue le titre du récit.
Dans le texte grec, le verbe «
eurete » s’offre à une double lecture : « se trouva » et « fut trouvée » enceinte.
Joseph, quant à lui,
la trouvant enceinte par viol mais sûr de son honnêteté, décide de ne pas
la dénoncer pour
lui éviter le jugement. On comprend alors la troisième proposition concernant l’apparition de
l’ange, pour
lui annoncer
qu’elle est enceinte par le
Saint Esprit, et d’un enfant qui est le
Christ
Sauveur. À l’apparition de
l’ange suit la vérification de l’événement par les Écritures.
On découvre ainsi que l’évangile ne vise pas à déterminer l’être de l’homme mais sa finalité. On peut comprendre ce double sens par les deux interrogations que nous nous posons : qui suis-je ? pourquoi suis-je ? Pour répondre à la première, il est nécessaire de parcourir par la raison la distance qui sépare les effets de leurs causes ; pour la deuxième, celle qui sépare les faits accomplis ou subis de leur finalité.
Mais comment la connaître ? On est conscient de la trouver par des signes qui percutent notre esprit : bribes de souvenirs subjacents à nos oublis ou à nos désirs. Poussière, pense-t-on, tombée des mains de
Dieu lorsqu’il façonnait la fange originelle de la terre à son image. Ces signes sont gardés comme des codes dans les livres des religions et de nos anciennes cultures, dans les oracles des
prophètes, dans les chants des poètes, dans les révélations données par des
anges en songe. Et dans les Écritures, bien sûr, et dans les évangiles… Puisqu’il est nécessaire de parler de ceux-ci pour la compréhension du récit de la naissance de
Jésus, j’en ferai mention le plus rapidement possible.
Ces deux ensembles de récits sacrés ont le même code fondamental de sens, mais en deux stades différents de leur accomplissement.
Le code des Écritures peut être résumé ainsi. Aussitôt créé,
Dieu met
l’homme dans un «
jardin » de béatitude, expressément préparé pour lui, afin qu’il puisse y conduire une vie d’immortalité. Mais une fois
qu’il se trouve, avec
sa femme, dans
ce jardin de délices, il pèche, voulant devenir l’égal de
Dieu.
Il est donc chassé du
jardin et reconduit sur
terre, condamné à vivre une vie d’homme mortel.
Ne
l’ayant cependant pas anéanti,
Dieu doit
lui donner un code qui lui permette de vivre sa condition de condamné, mais
il ne pense pas au rachat de la peine de mort, pour que
l’homme puisse retourner à l’immortalité originelle. Dans le nouveau statut,
Dieu établit de choisir une génération à laquelle il confie la tâche de conduire les autres à la reconnaissance de sa souveraineté. Son choix tombe sur la
génération
d’
Abraham, qu’il bénit.
En survolant rapidement, je dirai qu’elle se développe en plusieurs familles, qui vont en
Égypte et se multiplient pour en partir enfin et aller au
désert, sous la conduite de
Moïse. Elles en sortent pour conquérir les
terres que
Dieu leur avait promises. Ce peuple devient une nation, sinon aussi nombreuse que les étoiles du ciel, du moins autosuffisante, forte, agressive, réunie en un état puissant, tel que celui de
David et de
Salomon. Des
prophètes donnent à penser que ce
peuple ne tombe pas dans l’illusion d’une souveraineté politique sur les nations, pour jouer un rôle de guide des peuples à la reconnaissance de la souveraineté de
Dieu sur le monde.
Mais
le peuple tombe en servage de nations plus puissantes, telle que
la babylonienne, qui ne le laisse vivre que soumis à sa domination. On ne pouvait espérer un changement que par une intervention divine.