Le récit de Matthieu :
La conception virginale de Marie et l’oracle d’Isaïe
Nous passons ici de la narration du fait au sens qu’il avait réellement.
Marie, «
se trouve enceinte » sans cependant s’être unie avec
son fiancé ni avec un autre homme.
Elle n’est enceinte que par
l’Esprit de
Dieu, qui la rend mère. Étant père de l’enfant,
Dieu joue le rôle d’époux, comme
Marie celui d’épouse.
L’enfant qui nait de cette union est
Jésus, différent des autres hommes dans sa nature comme dans son existence.
Ce serait la dernière touche que
Dieu donne à l’homme pour qu’il soit conforme à la dignité de son rôle.
Dieu crée
l’homme et
la femme en leur donnant la possibilité de s’unir en vue de la génération des enfants. Or
lui aussi s’unit avec une femme,
Marie, pour engendrer un homme,
Jésus, qui, dans sa nature, serait
Dieu lui-même ! Mais alors que la création s’étend sur tous les hommes, cette génération s’opère dans une seule femme,
Marie, qui engendre un seul enfant :
Jésus.
Qui affirme que
Marie s’était trouvée enceinte ? Le texte, évidemment ! Ni
Joseph, ni
Marie, qui n’apparaissent pas dans le récit, mais
l’auteur du récit. Pour
celui-ci c’est un événement miraculeux de grande importance :
Dieu aurait mis
Marie enceinte personnellement. En intervenant, aurait-il défendu à
Joseph de s’unir sexuellement avec
Marie, pour ne pas violer son amour ? Non !
Il l’a seulement obligé à se retirer pour lui permettre de rendre féconde
sa fiancée. L’intention de
Dieu s’était limitée à une seule rencontre d’amour avec
elle. Il avait exigé de
Joseph non qu’il renonce à être le mari de
Marie mais, pour un moment, de s’unir avec elle afin qu’elle soit libre de s’unir avec
Lui, comme événement unique, absolu, pour les hommes.
Dieu devient amoureux de
Marie en vue de l’accomplissement de l’homme par son accouchement ! Aussi
Marie apparaît enceinte au milieu de gens qui ne la connaissaient que comme célibataire. Quant à
Joseph, son époux, il l’ignorait lui aussi.
«
Tout cela arriva afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète : " Voici la vierge sera enceinte, elle enfantera un fils et on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui signifie : Dieu avec nous " » (
Mt 1:22-23).
Par ces paroles,
Matthieu fait du texte des Écritures un résumé en forme d’oracle, auquel il renvoie le lecteur pour confirmer par l’autorité de
Dieu ce que
l’ange avait annoncé à
Joseph. Or l’affirmation «
vierge enceinte », est tout à fait étrangère à ce texte, comme je l’ai démontré
plus haut.
Je résume.
Le « traducteur » trouve dans le texte hébreu «
ha alma », « la jeune-fille », qu’il « traduit » non par «
e pais », mais comme si dans le texte il y avait «
betoula » (vierge).
Ainsi la « traduction » a eu pour but non pas de transmettre le texte originel, mais d’en changer le sens. Car ce n’est plus d’une jeune-fille enceinte que
Jésus nait mais d’une vierge. Il ne s’agit pas d’une erreur mais d’un changement de sens, clairement voulu :
Le « traducteur » change le sens du texte parce qu’il est convaincu que
Marie a conçu un fils,
Jésus, tout en étant vierge ! Il ne joue pas un rôle de traducteur mais d’acteur !
Mais le fait que
l’évangéliste cite ce texte pour y trouver la confirmation de l’événement de la conception virginale ne me pousse pas à penser qu’il n’est qu’un faussaire, ou victime d’une erreur, mais qu’il écrit lui-même dans un « état de rêve ». Tout dans le récit de l’apparition de
l’ange à
Joseph devient songe :
l’ange, son apparition,
Joseph lui-même, qui ne voit
l’ange qu’en rêve.
L’expression «
en rêve » traduit, à mon avis, une fuite de
l’auteur de l’évangile de la situation réelle de la naissance de
Jésus. En croyant que
Jésus montrait qu’il était le
Christ surtout par sa mort,
l’auteur de l’évangile fuit dans son esprit la situation réelle de sa naissance, pour la comprendre en vue de la rédemption. Le
Christ ne peut naître que d’une vierge enceinte par ce qu’il est le
Sauveur. La naissance de
Jésus telle qu’elle est donnée par les informations est refoulée, pour être comprise comme issue d’une conception virginale. Étant le
sauveur des péchés,
Jésus ne peut être contaminé par lui. Sa conception ne peut s’accomplir que dans un sens virginal, par le
Saint Esprit. Et de même
qu’il a compris la naissance de
Jésus à partir de la foi au
Christ,
Matthieu, l’auteur de l’évangile, ne peut interpréter les Écritures qu’à partir de la même foi.
On pourrait dès lors chercher une explication des textes un peu plus pointue. Connaissant l’hébreu, qu’il traduit en grec,
Matthieu constate que le texte n’emploie pas le mot «
betoula », vierge, mais «
alma », jeune-fille. Il constate que
l’auteur hébreu ne s’attardait pas sur la distinction entre
alma et
betoula, parce qu’on ignorait alors l’affirmation selon laquelle
Marie avait été violée : les auteurs des Écritures n’avaient pris aucune précaution pour garder la distinction entre jeune-fille et vierge, parce qu’une jeune-fille ne pouvait pas ne pas être vierge ! D’où la nécessité de préciser que
Marie était vierge et de ne pas se borner à l’affirmer seulement comme jeune-fille.
La première thèse donne à l’affirmation la forme d’un oracle dont le sens est : « La vierge est enceinte » !
Matthieu se libère de l’information selon laquelle
Marie fut enceinte à la suite d’un viol. Étant vierge,
elle est enceinte par
l’Esprit de
Dieu.
Elle est donc mère, la seule «
mère vierge » parmi les femmes du monde !
L’
a priori de la foi de
Matthieu donne à l’oracle un autre sens, celui qu’il fallait lui donner pour qu’il annonce la naissance du
Christ, alors que le texte n’y fait même pas allusion ! Ce sens semble surgir de l’interprétation des Écritures, mais en réalité il naît du code de la foi au
Christ sauveur. Je parle de « code » parce que le
Christ Sauveur ne peut naître que d’une mère sans péché, et donc vierge.