ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
L’a priori de la foi en Jésus-Christ :Du scandale de la croix |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ - De l’interrogation au scandale - Du scandale de la croix à la résurrection - La confession : Jésus est le Christ - Les apparitions de Jésus ressuscité Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile De l’Évangile aux évangiles Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Si l’on part de ce contexte, il est impossible d’expliquer le surgissement de la foi en Jésus-Christ en se fondant exclusivement sur la psychologie des disciples, puisque ceux-ci avaient résolu leur problème d’existence par la négation du messianisme de Jésus. Ayant ouvert une parenthèse pour s’inscrire dans la perspective messianique de Jésus, ils l’avaient refermée en la considérant comme illusoire et scandaleuse. Leur jugement sur Jésus, quoique négatif pour ce qui est de leur propre entreprise, les faisait passer de l’hypothèse à la thèse. Leur décision prenait précisément sa valeur de ce qu’elle s’opposait à une perspective qui s’avérait être utopique. Malgré leur faiblesse et leur lâcheté même envers l’ami sur lequel ils avaient reposé leur espérance, leur jugement avait une valeur historique car il se fondait sur des faits : l’enquête judiciaire, le procès, la condamnation par l’autorité romaine, l’abandon par le peuple, l’impuissance enfin montrée par Jésus. Les disciples n’avaient pas d’autre problème que de chercher à ne pas se laisser entraîner par ce procès et à redevenir les hommes d’antan, n’ayant d’autre ambition que d’être d’honnêtes et bons pêcheurs. Pour que la foi puisse surgir, il fallait donc une véritable résurrection dans la mesure où elle était morte. Autrement dit, il fallait un événement qui, se situant au niveau du fait, puisse ébranler la conviction historique fondée sur des faits. Cette exigence épistémologique est conforme à la tradition néotestamentaire qui, de Paul aux évangiles, a appuyé l’annonce de la résurrection sur le témoignage des apparitions. Celles-ci sont présentées comme étant des faits qui possèdent toutes les conditions d’historicité, dans la mesure où ils auraient été objets de constats et de témoignages. Il est important de souligner que les listes des apparitions constituaient en elles-mêmes une séquence catéchétique, une des rares d’ailleurs qui fussent communes à la prédication apostolique et à la paulinienne. Il va sans dire aussi que les Églises ont toujours fondé, en dernière analyse, la crédibilité de leur prédication sur ce témoignage. Cependant, en dépit de la continuité de la tradition, ces témoignages ne sont pas, lorsqu’on les analyse, si simples et si transparents qu’il apparaît. En effet la parole des témoins suffit-elle pour que nous les considérions comme des faits ? Y a-t-il entre eux et nous un même critère d’évaluation dans la connaissance des faits ? Tout système religieux n’implique-t-il pas un renversement de valeur, conditionnant précisément le fait à son interprétation ? On ne pourrait donc prendre acte de ces témoignages qu’après une analyse des récits concernant le mode de ces apparitions. De cette analyse, je ne pourrai ici que rapporter les résultats. Quant aux récits des évangiles, il convient avant tout de remarquer qu’ils supposent chez les protagonistes la foi au Christ. Ainsi, au lieu d’être une description du fait de l’apparition, ils sont la représentation de la rencontre intérieure avec le ressuscité par une « reconnaissance » au niveau de la foi, au moyen du rite (baptême et eucharistie) ou des Écritures. En ce qui concerne les narrations de l’apparition à Paul, elles présupposent d’une part une foi déjà acquise dans les Églises, d’autre part elles demeurent personnelles et conditionnées par l’état psychologique de l’apôtre. Les compagnons de celui-ci ne peuvent pas être considérés comme des témoins, puisque les mêmes récits sont contradictoires à leur égard : ou ils auraient entendu la voix sans rien voir, ou ils auraient vu sans rien entendre, ce qui équivaut à dire qu’ils n’ont rien vu et rien entendu. D’ailleurs, s’ils avaient eu part pour peu que ce soit à l’apparition, comment Paul l’aurait-il revendiquée pour lui seul et ne l’aurait-il pas classée comme une apparition collective ? Ainsi l’apparition dont parlent les textes ne nous conduit-elle pas à des faits, mais à des expériences spirituelles de caractère psychologique, liturgique ou de conviction, qui ne peuvent pas constituer des documents aptes à témoigner de la réalité historique de l’événement. Les mêmes textes, cependant, nous donnent la possibilité de retrouver un fait susceptible de déclencher le processus de foi, puisque les uns font précéder l’apparition du ressuscité aux disciples par la découverte du tombeau vide et que les autres conditionnent la vision de Paul à un éclat de lumière. Aujourd’hui les exégètes ne portent plus sur le tombeau vide qu’un regard fatigué, ne le considérant que comme un conte d’origine populaire que la catéchèse de l’Église aurait exploité pour rendre le mystère de la résurrection accessible à la mentalité populaire. On le considère en effet comme tardif, ignoré par Paul et trop imagé pour devenir le fondement de la foi. Mais, sa représentation imagée mise à part, il constitue à mon avis l’unique fait qui nous permette de comprendre le déclenchement de la foi, les apparitions elles-mêmes ne relevant que du niveau de l’expérience. Mais je ne m’attarderai sur ce fait que pour mettre en évidence sa valeur épistémologique. La découverte d’un tombeau vide est aussi un phénomène relativement courant de notre temps, mais ce phénomène social est évalué différemment par nous et par les anciens car, tandis que pour nous il ne s’explique que par un enlèvement autorisé du corps ou par un vol, pour les anciens il avait en plus la fonction de « signe » d’enlèvement du défunt par Dieu. Pour les anciens, l’ensemble des phénomènes, aussi bien de la nature que de l’histoire, constituait un univers de « signes », par lesquels la divinité avait manifesté sa volonté et ses intentions, le monde était un « livre » écrit par Dieu au moyen des choses elles-mêmes. On possédait ainsi dans les différentes cultures des codes sémantiques qui en permettaient la lecture, comme aussi différentes méthodes d’interprétation. Les livres sacrés constituaient à cet égard les références fondamentales d’interprétation. Or, dans ces codes, l’absence de tombeau ou le tombeau vide était un « signe » qui signifiait l’enlèvement du corps du défunt par la divinité, ou sa reprise par lui-même. Il signifiait donc sa glorification ou sa résurrection. Certes, on reconnaissait aussi le délit de violation de sépulture, mais lorsque ce crime était improbable, l’absence du corps revêtait un caractère mystérieux ne pouvant être attribué qu’aux puissances célestes ou démoniques. Ce fut par l’absence du corps qu’on crut qu’Hyppolite avait ressuscité, ou qu’Élie avait été enlevé par Dieu. Et de même que l’existence du tombeau suffisait à affirmer qu’une personne était vraiment morte, de même son absence était une raison d’affirmer, comme pour Moïse, qu’elle était auprès de Dieu. À la lumière de ces données, il convient de revenir aux disciples de Jésus. Loin de Jérusalem et déjà en Galilée, ils vinrent à apprendre que des femmes, s’étant rendues au sépulcre pour pleurer, avaient trouvé le tombeau ouvert et vide. Cette nouvelle, par son ambiguïté même, provoqua le désarroi chez les disciples. Ils crurent d’abord qu’on avait volé le corps de Jésus, sacrilège qui ne pouvait avoir pour eux que des conséquences fâcheuses. Mais lorsqu’ils furent soupçonnés par leurs adversaires d’être eux-mêmes les auteurs du vol, ils commencèrent à croire à l’avènement d’un signe. La Bible les confirma dans cette conviction, puisqu’elle leur offrit l’image de Moïse et celle d’Élie, dont l’un fut enterré par Dieu lui-même puisqu’on n’en connaissait pas de tombeau, et l’autre enlevé puisqu’on ne parvint pas à retrouver son corps. Que ces deux images agirent effectivement dans leur imagination comme des schémas opératoires apparaît surtout dans la narration de Luc, qui fait apparaître dans le tombeau vide « deux hommes » (Lc 24:4), les mêmes que nous retrouvons dans le récit de la transfiguration et dans celui de l’ascension. Or ces deux hommes sont, d’après lui, Moïse et Élie. À l’aide donc des Écritures, ils interprétèrent ce signe dans le cadre de la résurrection. En transformant ces « deux hommes » en « deux anges » (Jn 20:12), le quatrième évangile a voulu mettre en évidence leur fonction d’annonciateurs de la résurrection de la part de Dieu. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg01200 : 19/02/2021 |