ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
L’a priori de la foi en Jésus-Christ :De l’affirmation que Jésus est ressuscité à la confession qu’il est le Christ |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ - De l’interrogation au scandale - Du scandale de la croix à la résurrection - La confession : Jésus est le Christ - Les apparitions de Jésus ressuscité Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile De l’Évangile aux évangiles Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Il se peut qu’il n’y ait pas eu d’intervalle entre la prise de conscience que Jésus était ressuscité et la reconnaissance qu’il était le Christ. Toutefois, on n’aurait pas pu passer de la première affirmation à la seconde sans un processus ultérieur et spécifique de pensée, car affirmer que Jésus était ressuscité n’impliquait pas en soi qu’il était aussi le Christ, dans la mesure où on aurait pu interpréter cette résurrection dans le cadre d’une survie qui aurait prolongée mais non changée sa situation d’existence. Si donc on crut aussi à son messianisme à partir de sa résurrection, c’est que celle-ci venait à s’inscrire dans un contexte psychologique et idéologique agité dès le commencement par l’interrogation sur ce messianisme. Nous avons vu que les disciples avaient donné à cette interprétation une réponse négative, dans la mesure où ils n’avaient trouvé dans la vie de Jésus aucun signe qui aurait pu les mener à croire qu’il était vraiment le Christ, sa mort étant la preuve, sinon de son imposture, au moins de son illusion. Or sa résurrection venait justement s’offrir comme le signe inespéré. En effet, elle s’était passée avant le troisième jour, autrement dit avant que la mort eut pris possession du corps pour l’amener à la corruption. Dieu avait donc délivré Jésus de la mort : Dieu donnait le signe qu’il était le Christ, c’était le signe de Jonas. Pour que cette conviction fût certaine, il fallait aussi savoir si cette résurrection et donc la mort qui l’avait précédée, étaient aussi des prérogatives du Christ des Écritures. Un processus d’interprétation fut donc entrepris, qui mena à une lecture des Écritures à la lumière du nouveau pôle de référence. Je ne rapporterai pas ici la méthode ni les lieux de cette lecture, car cette recherche m’obligerait à aller au-delà du caractère synthétique du présent aperçu, mais il suffit de jeter un regard sur les références bibliques du Nouveau Testament pour constater que cette lecture porta sur tous les passages messianiques, mettant surtout l’accent sur les Psaumes, sur le deuxième Isaïe et sur Daniel. Selon Luc, qui fait jouer au ressuscité le rôle d’herméneute auprès des disciples d’Emmaüs et des apôtres, cette herméneutique s’étendait de Moïse aux prophètes. Sans doute Luc fait-il remonter ce processus herméneutique au ressuscité lui-même, dans la mesure où ce fut ce processus qui fit connaître la personnalité messianique du ressuscité. Celui-ci était le Christ en ce que, selon les Écritures, le Christ « devait » souffrir et ressusciter. Au bout de ce processus, la résurrection fut considérée comme faisant partie du « devoir être », autrement dit de l’essence même du Christ des Écritures. Il faut éviter toute méprise au sujet de ce jugement de foi. Avant tout, il ne s’agit pas d’une affirmation de caractère inductif, tirée de l’expérience de la vie de Jésus, car elle ne s’appuie pas sur une évaluation objective des faits mais sur un signe – le tombeau vide – dont l’interprétation (la résurrection de Jésus) allait à l’encontre de l’opinion que les disciples s’étaient faits sur Jésus à la suite de leur vie en commun. S’ils tournèrent de nouveau leurs pensées vers Jésus ce fut à la suite et à la lumière de la foi acquise. Au moment de ce jugement donc, l’expérience qu’ils avaient de leur maître resta en suspens, dans une situation de rupture et de vide destinée à être comblée par la foi. N’étant pas inductif, ce jugement n’est pas non plus historique. Il ne se laisse pas comprendre dans le cas des affirmations qui se rapportent à des faits, tels que « César fut dictateur », mais à des convictions idéologiques, telles que « l’âme de César monta au ciel ». Autrement dit il ne dit pas ce qui s’est passé, mais ce qu’on a cru au sujet de ce qui s’était passé. Il serait aussi vain de chercher à comprendre la confession de foi par un procédé déductif à partir des Écritures. Face aux mêmes textes, les scribes et les pharisiens tiraient des affirmations opposées. C’est qu’elle ne s’était pas déterminée par une analyse exégétique, mais par une lecture interprétative qui comportait d’avance la mise en relation des textes avec l’événement de la résurrection. Les Écritures n’auraient pas pu accoucher de cette proposition si elles n’avaient pas été soumises à une douloureuse opération de réduction thématique. Leurs énoncés furent détachés du sens qu’ils recevaient dans le récit, demeurant ainsi dans une situation de flottement et ne se laissant déterminer que par les thèmes généraux du discours. Le lien qui unit le mot « Christ » au mot « Jésus » ne fut pas d’ordre conceptuel mais idéologique et pratique. Les deux mots ne se rencontrèrent pas en tant que « signes » mais en tant que « symboles » linguistiques, chacun étant surdéterminé d’un contenu d’existence. Le Christ était une représentation d’une nouvelle perspective de vie, ouverte vers la libération, tandis que « Jésus » représentait le sujet humain, porteur de cette libération et auquel ils avaient été unis d’une façon contradictoire. Jésus devenait le Christ dans la mesure où des hommes avaient été attirés d’une façon décisive par la nouvelle perspective : ayant traversé une expérience douloureuse par une thèse qui avait bouleversé leur existence et une antithèse qui l’avait reniée, ils crurent revenir à leur vie d’antan, mais en vain puisque celle-ci avait été comme égarée et aliénée. Ils se trouvèrent dans une situation zéro d’existence, ni pêcheurs de poissons ni pêcheurs d’hommes : une vie sans sens. La nouvelle perspective qui s’ouvrait devant eux les fit sortir de ce néant, l’antithèse étant à son tour reniée par la thèse qu’elle avait elle-même rejetée. Ce fut une synthèse de la double négation et donc une situation d’existence nouvelle. Le « Jésus est Christ » fut l’énoncé idéologique qui exprima cette synthèse dialectique d’existance. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg01300 : 18/02/2021 |