ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
La naissance de l’anti évangileL’excommunication et la propagande idéologique |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile - Excommunication des chrétiens . Excommunication . Propagande - Source des informa- tions juives - Profil judiciaire de Jésus De l’Évangile aux évangiles Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
L’excommunication des chrétiens par le judaïsmeLa prise de conscience que le christianisme était un mouvement hérétique mena les dirigeants du judaïsme à lancer l’anathème d’excommunication contre toux ceux qui seraient passés au christianisme. S’il est vrai, comme les Actes le rapportent, que beaucoup de juifs, dont plusieurs venaient des milieux sacerdotaux, s’étaient convertis à l’Évangile, cette mesure visait à arrêter l’hémorragie. Elle était un acte politique des nouveaux dirigeants qui, ayant perdu tout moyen de contraindre par la force, manifestaient leur pouvoir par l’autorité religieuse. Je pense à la suite de Goguel que le témoignage le plus important sur cet acte d’excommunication se trouve dans le récit de l’aveugle-né du quatrième évangile (Jn 9). Jean mentionne cette excommunication lorsqu’il affirme : « Car les juifs étaient déjà convenus que si quelqu’un reconnaissait Jésus pour Christ, il serait exclu de la synagogue » (Jn 9:22). Ce qui prouve que cette excommunication doit être rapportée au temps de l’écrivain et non à celui de Jésus c’est sa motivation, qui ne repose pas sur le fait de suivre Jésus mais de le reconnaître comme Christ, ce qui implique une problématique postérieure à Jésus et propre à une Église déjà instituée. Mais surtout, c’est le caractère allégorique du récit lui-même qui nous oblige à le considérer comme une anticipation d’une situation postérieure. Le conte est en effet un allégorème, autrement dit une parabole renversée, dans laquelle ce n’est pas le signifié qui est semblable au signifiant, mais celui-ci au signifié puisqu’il serait fait exprès à sa mesure. L’aveugle-né est la personnification du juif converti chassé de la synagogue. L’allégorie montre qu’avant sa conversion il était aveugle de naissance, ayant des yeux mais pas la possibilité de voir. S’il recouvre la vue, c’est par l’Évangile. L’excommunication perd donc toute sa valeur et est ridiculisée et comme renversée, car la synagogue chasse un homme qui l’a déjà quittée. Sa prétention est semblable à celle de la nuit qui affirmerait avoir rejeté d’elle ce qui se trouve à la lumière du jour. La place que cet allégorème occupe dans l’évangile montre l’impact qu’eut l’excommunication dans les relations entre le judaïsme et l’Église. Elle marqua leur rupture définitive et le commencement du conflit politique et culturel. À partir de là les deux institutions ne pouvaient progresser que sur deux lignes divergentes, destinées à ne plus se rencontrer. En effet, même si l’excommunication ne concernait directement que les juifs, elle visait indirectement les Églises qu’on supposait être tombées dans l’hérésie. Il fallait donc faire suivre l’excommunication par une proclamation publique du caractère hérétique de la doctrine chrétienne. Nous trouvons le témoignage de ce nouvel acte politique chez Justin, dans le Dialogue avec Tryphon. Prenant la défense des chrétiens contre les accusations des juifs, Justin, qui est aussi interlocuteur dans cette œuvre, affirme : « Puis, lorsque vous avez su qu’il était ressuscité d’entre les morts et monté au ciel, comme les prophéties l’avaient révélé à l’avance, non seulement vous ne vous êtes pas repentis de vos mauvaises actions, mais vous avez désigné des émissaires choisis et les avez envoyés de Jérusalem sur toute la terre pour dire qu’une hérésie impie, celle des chrétiens, était apparue et nous accuser de toutes ces choses que ceux qui ne nous connaissent pas répètent contre nous » (Dial. avec Tryphon, 17). L’envoi « sur toute la terre » de ces émissaires pour combattre la christologie de l’Église implique aussi que cette doctrine avait été annoncée dans tout l’empire. Dès lors il nous est permis sinon de dater, du moins de situer cette proclamation à la fin de la période apostolique, et avant la rédaction des évangiles. L’anti évangile aurait ainsi été déterminé, entre autres événements, par cette prédication de l’Évangile dans le monde qui était aussi pour l’Église signe du retour du Christ. Les émissaires avaient reçue des responsables du judaïsme la mission de proclamer le christianisme comme hérétique, étant donné le caractère « impie » de sa doctrine. On remarquera que la déclaration de « l’impiété » d’une doctrine faisait partie de l’excommunication. Il faudrait alors dire que cette proclamation prenait la force d’une excommunication publique lancée contre le christianisme. En effet, la persécution de Néron et l’attitude des chrétiens dans la guerre de Judée n’avaient pas été suffisants pour qu’on puisse séparer les chrétiens des juifs. Dans la conscience populaire et même pour les autorités romaines, les premiers passaient pour constituer une secte juive. Le fil conducteur qui menait à cette conviction était peut-être cette suite sémantique : « chrétiens » vient de Christus = Christ = Jésus le Nazaréen, donc chrétiens = secte de Nazaréens. Le judaïsme voulut mettre fin à cette confusion : en déclarant le christianisme hérétique, il reconnaissait d’une part qu’il venait de lui, mais que d’autre part il s’en était séparé à cause de l’impiété de sa doctrine. Les conséquences politiques de cet acte public étaient beaucoup plus graves que ce qui peut apparaître à première vue, car le judaïsme, quoique détruit comme nation, jouissait comme religion et comme peuple de privilèges spéciaux quant au respect de leurs coutumes et à l’exercice de leur liberté cultuelle et culturelle. Le christianisme avait sans doute profité de ces privilèges, mais une fois excommunié il ne pouvait plus s’appuyer que sur lui-même, mais sur quoi fonder sa propre légitimité de religion si, son origine étant juive, elle était désavouée par les responsables du judaïsme ? Certes, les Romains reconnaissaient la liberté de religion, mais pour que celle-ci eut valeur légale et universelle, il fallait qu’elle fut d’un peuple, or les chrétiens n’étaient pas un peuple. Ils ne pouvaient suivre qu’une religion reconnue : le judaïsme s’ils étaient juifs, la religion d’État s’ils étaient païens. Les persécutions dont les chrétiens furent par la suite victimes de la part de l’État romain ont été motivées par cette situation équivoque quant à leur identité légale : ils n’étaient pas persécutés parce qu’ils avaient commis des crimes, ni en raison d’un édit impérial de condamnation, mais simplement parce qu’ils étaient des juifs excommuniés ou des païens portant atteinte à la religion juive. L’excommunication fut donc d’une grande portée historique puisque, en séparant le christianisme du judaïsme, elle le plaça aussi dans une situation de rupture avec l’empire. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg05110 : 10/03/2021 |